Djazia Satour : « Donner libre cours aux mélodies »

Djazia Satour

L'AmpéRage

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Concert / La Grenobloise Djazia Satour, ancienne chanteuse du trio de trip hop (mais pas que) MIG, débarque enfin avec un premier album solo baptisé "Alwane" – "couleurs" en arabe. Une réussite dans laquelle sa voix saisissante et protéiforme se confronte à tout un tas de genres musicaux, en anglais et en arabe. Rencontre avant son concert prévu à l’Ampérage. Propos recueillis par Aurélien Martinez

On vous connaît depuis plus de quinze ans à Grenoble, via vos diverses expériences musicales – principalement MIG et Gnawa Diffusion. Mais vous venez seulement de sortir votre premier album solo cet automne. Ce qui a dû être flippant ?

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Djazia Satour : Klami, le six titres sorti en 2010 qui était le premier disque après MIG, était plus pour moi un événement. Le premier album, ça l’est toujours, évidemment ; mais on est dans la continuité.

Le six titres, c’était une façon de commencer en douceur votre carrière solo ?

Il y avait un peu de ça en effet. C’était la première fois que je me retrouvais en solo. Tout avait changé autour de moi, je n’avais plus les mêmes structures de production. Je n’étais plus dans le cocon MIG, avec notamment un label… Du coup, c’était un premier essai autoproduit.

Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, Alwane étant sorti sur un label. Et vous l’avez longuement travaillé à Montreuil avec deux réalisateurs – Julien Chirol et Pierre-Luc Jamain.

C’est la première fois que je confie l’album à des gens qui ne sont pas forcément des historiques, avec qui je n’avais jamais travaillé en studio ou sur scène auparavant. Cette nouveauté m’intéressait, je voulais prendre du recul avec certaines de ces chansons que je jouais déjà sur scène en les soumettant à un regard neuf.

L’album s’appelle Alwane, soit "couleurs" en arabe. Il renferme donc plusieurs nuances, plusieurs couleurs…

J’avais envie de faire tellement de choses ! J’écris et compose dans des états d’esprit très différents que reflètent les différentes couleurs musicales. C’est beaucoup lié à tout ce que j’écoute – du blues, de la folk… Après MIG, j’ai par exemple eu toute une période où j’ai écouté de l’acoustique. Je ne me bride donc pas là-dessus en me disant qu’il faut absolument que je sois dans tel ou tel bac à la Fnac…

D’où le fait qu’il soit difficile de classer votre musique, même si certains la rangent dans la case fourre-tout des musiques du monde…

Je ne reproche pas aux gens de me mettre dans la case "world music" s’ils veulent m’y mettre. Chacun est libre ! Mais personnellement, je ne pense pas que ma musique en soit parce que le terme "world music" est très vaste. De tout temps, ce terme a fait un peu polémique. Et les connotations qu’il a en France ne sont pas celles que l’on retrouve dans cet album. J’aurais plutôt envie de coller plusieurs mots, de donner plusieurs couleurs : pop, blues, folk…

Les textes sont en anglais et en arabe, mais pas en français. Pourquoi ces choix ?

Après avoir chanté en français avec MIG, j’avais un peu envie de resserrer les choix : peut-être que trois langues c’est trop, il faut que je choisisse celles qui pour moi ont une résonnance particulière. L’arabe bien sûr, comme c’est ma langue maternelle [elle est née en Algérie en 1980 avant d’arriver à Grenoble avec sa famille en 1990 – NDLR], et c’est une langue à la fois percussive, mélodique… Puis l’anglais parce que c’est la langue de la "pop music" par excellence, c’est mes références. Par contre, j’ai moins de références en français, même si j’ai envie de m’y coller pour le prochain disque.

Il y a un découpage autour de la langue dans l’album, avec les titres les plus pop et énergiques en anglais, et les plus doux en arabe – excepté Niran. Ce découpage était-il volontaire ?

En effet… Et c’est pour le coup complètement inconscient ! Faudrait que j’y réfléchisse… Mais le choix de la langue ne se fait pas par rapport à l’ambiance musicale. Même si un morceau comme Bittersweet, je vais avoir du mal à le chanter en arabe, avec cette ligne mélodique très anglo-saxonne… Mais vraiment, faudrait que je réfléchisse à ça !

Vous composez la musique en premier ?

Très souvent, je fais d’abord la mélodie en chantant un truc yaourté. Je veux donner libre cours aux mélodies, je les travaille très longtemps. Ensuite, je me penche sur le texte, qui vient au service de la musique. C’est pour ça que je peux me permettre de choisir plus tard la langue de la chanson, au feeling. Parfois je tente même les deux.

Quel regard portez-vous sur vos années au sein de MIG, groupe de trip hop grenoblois qui a marqué le début des années 2000 ?

Je suis très fière du groupe, c’est une belle référence. Quand je réécoute les disques, je trouve qu’on a fait des trucs chouettes.

Comment êtes-vous arrivée dans la musique, MIG n’étant pas votre première expérience ?

Ça s’est fait petit à petit. Le chant fait partie de ma vie. Dès l’âge de 13 ans, j’ai commencé à chercher des collaborations, à jouer avec des gens… Pendant deux ans, j’ai joué avec un guitariste-chanteur rencontré dans un magasin de musique. Ça m’a donné l’envie de jouer avec d’autres personnes : je l’ai fait avec plein de petits groupes de rock, de hard-rock… Ensuite, à l’âge de 15 ans, j’ai commencé à collaborer avec Gnawa Diffusion [Amazigh Kateb, le leader du groupe, est son demi-frère – NDLR]. Je faisais les chœurs et étais avec eux en tournée quand je n’avais pas cours – surtout l’été. On a fait quelques télés, comme Nulle part ailleurs : je suis alors devenue la star de mon lycée ! Puis ensuite j’ai passé mon bac ; je suis rentrée en fac d’économie pour faire un brin d’études même si je savais que je voulais faire de la musique. Et après une année de fac réussie, MIG me tombe dessus. L’aventure buzze vite à Grenoble, et ça dure six-sept ans.

Puis tout s’arrête en 2007…

On s’arrête surtout du fait de la situation complexe autour de nous plus que pour des raisons artistiques. On est un groupe, on n’est pas forcément d’accord avec la stratégie des gens qui bossent autour de nous, ces pros qui ne te veulent pas forcément du bien comme ils ne pensent qu’à leurs intérêts. On n’arrive pas à faire face à ce truc, et finalement on ne tient pas le choc. On se sépare donc, bêtement selon moi parce que je n’avais pas spécialement envie que MIG s’arrête à cette époque-là…

Mais ça n’a pas été la fin pour vous. L’idée d’une carrière solo est-elle allée de soi tout de suite ?

À la suite de MIG, il était hors de question que j’arrête de faire de la musique. Après, même si le groupe a été formateur – à 20 ans, je n’aurais pas pu me lancer en solo – je ne me voyais pas repartir sous la forme d’un nouveau groupe. Après six mois de réflexion, j’ai eu un peu peur quand j’ai commencé à travailler seule, mais je l’ai fait. Et maintenant, ça n’est pas prêt de s’arrêter !

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