Mardi 1 mars 2022 Pour faire cesser les coups de son mari, une fan de kung-fu s’initie auprès d’un maître. Mabrouk El Mechri signe une proposition culottée (et forcément clivante) mêlant son amour du cinéma de genre à son intérêt pour les personnages déclassés. Un...
Cannes 2015, jour 5. Oh ! Carol…
Par Christophe Chabert
Publié Lundi 18 mai 2015 - 9887 lectures
"Carol" de Todd Haynes. "Mon roi" de Maïwenn. "Plus fort que les bombes" de Joachim Trier. "Green Room" de Jeremy Saulnier.
Il fait beau et chaud sur Cannes, et tandis que les plagistes ont les pieds dans l’eau, les festivaliers continuent de macérer dans une mare de sueur, brûlant au soleil de files d’attente désespérées, rabrouant les resquilleurs, espérant secrètement découvrir de beaux films. À la mi-temps du festival, on est encore dans l’expectative. Il faut dire que des films, on n’en voit moins que les années précédentes, et surtout que l’on se concentre sur les films événements. A perdre chaque jour entre trois et cinq heures à attendre, on doit forcément sacrifier la part de découverte pourtant essentielle à la manifestation. D’où l’impression d’assister à une grande preview des films importants de l’automne, plus qu’à une compétition en bonne et due forme.
à lire aussi : Cannes 2015, jour 4. La mère des songes.
Carol : Tood Haynes sublime le mélodrame
Si toutefois on devait jouer le jeu des pronostics, on dirait que Carol de Todd Haynes ferait une très belle Palme d’or. Ce n’est pas ce qu’on a vu de mieux dans ladite compétition — Le Fils de Saul a notre préférence — mais il marque une étape décisive dans la carrière d’un cinéaste plutôt rare, dont chaque œuvre était jusqu’ici pétrie de contradictions, tiraillée entre la cinéphilie fétichiste de leur auteur et son attachement viscéral à ses sujets.
Carol règle assez vite le problème : si sa reconstitution des années 50 évoque tout un pan de la culture américaine, allant des mélos de Douglas Sirk à la série Mad Men en passant par les peintures d’Edward Hopper, jamais Haynes n’en fait un decorum vintage chic. C’est plutôt l’écrin nécessaire pour raconter son histoire, dont les apories sociales et morales sont liées au puritanisme et aux normes de la période abordée.
à lire aussi : Cannes 2015, jour 3. Au cœur de l’irrationnel
On y découvre Therese (Rooney Mara), jolie vendeuse dans un grand magasin à l’approche de Noël, encore engoncée dans le costume de la future bonne épouse d’un brave type sympathique mais un peu falot. C’est comme ça, et ça pourrait le rester si un jour ne débarquait dans son rayon Carol (Cate Blanchett), grande bourgeoise énigmatique qui exerce sur elle une fascination immédiate. À la faveur d’une paire de gants oubliés, Therese va rentrer dans l’intimité de Carol, découvrant une femme mariée mais en instance de divorce que son mari n’a pas l’intention de laisser partir si facilement. D’autant plus qu’il y a une petite fille au milieu, qui va devenir un objet de chantage affectif lorsque la relation d’amitié entre Carol et Therese va lentement glisser vers la passion charnelle.
Tiré d’un livre de Patricia Highsmith, Carol est donc le drame d’un amour lesbien que la société réprouve comme immoral et déviant. Autant dire du pain béni pour Haynes qui avait mis en scène peu ou prou la même chose mais du point de vue de l’épouse d’un homo refoulé dans Loin du Paradis. Nulle volonté polémique cependant dans ce film-là, mais une délicatesse absolue pour peindre le lent mouvement d’un désir naissant, qui culminera dans une scène de sexe parmi les plus ardentes qu’on ait vues sur un écran depuis longtemps.
Surtout, Haynes assume pleinement la modernité de son cinéma : l’écriture, la mise en scène et le jeu des deux comédiennes, fabuleuses, sont en symbiose parfaite, entièrement dévoués à raconter avec le maximum de justesse et de sensibilité ce qui se joue à l’écran. Car au-delà de cette fugue sentimentale, c’est bien le beau récit d’une chrysalide qui se change en papillon que raconte Todd Haynes. Therese rêve en effet de devenir photographe ; et si son histoire avec Carol semble vouée à l’échec, condamnée de toute part par les tenants d’un ordre moral inflexible, cette passion-là va la révéler à elle-même et lui donner envie de laisser libre cours à ses aspirations personnelles.
Tout tient dans une série de clichés que Therese fait de Carol : d’un seul coup, son regard transpire à travers ses images, leur donne une singularité et une vibration, même maladroite, même balbutiante. Impossible de ne pas faire le lien avec le cinéma de Todd Haynes : soudain libéré du poids de ses influences, enfin libre d’être lui-même, il peut s’abandonner au premier degré dont il a toujours rêvé. Et nous faire pleurer sans artifice ni pathos.
pour aller plus loin
vous serez sans doute intéressé par...
Mardi 16 novembre 2021 [REPORT] « Il était une fois l'histoire d’une humanité qui avait perdu la moitié d’elle-même et qui décida d’inventer un lieu dédié à l’attente de ses absents. » Avec "Fraternité, conte fantastique", à voir à la MC2, la metteuse en scène...
Mardi 7 septembre 2021 Réouverture le 8 septembre de Mon Ciné à Saint-Martin-d’Hères, après un été rythmé par les travaux : nouvel écran, rafraîchissement des peintures, rénovation des sols, (...)
Mardi 8 juin 2021 Ouverture. Cette fois, ça y est : depuis quelques jours à peine, le Musée Champollion, à Vif, est ouvert au public (sur réservation). L’établissement nous invite à suivre le parcours du déchiffreur des hiéroglyphes de l’Égypte antique, mais...
Vendredi 26 février 2021 Si le public devra encore attendre quelques mois pour y être convié, le Musée Champollion rythme la vie de nombreuses personnes depuis déjà un bon moment ! Nous avons rencontré deux des parties prenantes d'un chantier plein de surprises,...
Lundi 26 octobre 2020 ★★☆☆☆ De et avec Maïwenn (Fr., 1h30) avec également Louis Garrel, Fanny Ardant, Marine Vacth…
Mardi 8 septembre 2020 Si le festival de Cannes avait eu lieu en mai comme il se doit, on aurait vu Patrick, l’un des protagonistes du nouveau film de Caroline Vignal (...)
Mardi 18 février 2020 Quand des lanceurs d’alerte et la loi peuvent faire plier une multinationale coupable d’avoir sciemment empoisonné le monde entier… Todd Haynes raconte une histoire vraie qui, étrangement, revêt une apparence patinée dans l’Amérique de Trump.
Vendredi 24 janvier 2020 Choisis ta séance, camarade ! Le même soir, Le Club propose deux événements exceptionnels. D’un côté, la romance de Todd Haynes Carol, avec Rooney Mara et Cate (...)
Mardi 28 janvier 2020 De Julien Bisaro, Sonja Rohleder, Carol Freeman (Fr.-Bel., 0h38)
Mardi 10 décembre 2019 De Karim Aïnouz (Br.-All., 2h19) avec Carol Duarte, Julia Stockler, Gregório Duvivier…
Mardi 10 septembre 2019 Toujours en prise avec l’actualité, le Magasin des horizons ouvre une magnifique exposition sur les rapports que l’Homme entretien à la Terre. Au programme : de l’écologie, du féminisme, des figures historiques de l’art de la performance et pas...
Mardi 23 avril 2019 De Audrey Diwan (Fr, 1h35) avec Pio Marmaï, Céline Sallette, Carole Franck…
Mardi 9 avril 2019 Voilà bien une drôle d'exposition à découvrir à Alter-Art jusqu’au dimanche 28 avril.
Mardi 12 mars 2019 Jeudi 14 mars à la Source, on a rendez-vous avec le groupe grenoblois Mom’s I’d like to surf. L’occasion, avec le bassiste Franck Leard, de lever le voile sur la surf music, genre musical plus connu que ce qu’on ne croit.
Mardi 12 février 2019 de Caroline Capelle et Ombline Ley (Fr, 1h21) documentaire
Mardi 9 octobre 2018 de et avec Michel Blanc (Fr, 1h28) avec également Karin Viard, Carole Bouquet, Charlotte Rampling…
Lundi 19 mars 2018 Critique du seule-en-scène proposé jeudi 22 mars au Théâtre municipal de Grenoble, dans le cadre du Printemps du livre.
Mardi 21 novembre 2017 On sait depuis Spider-Man qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Mais comment les assumer si l’on a pas encore conscience d’en posséder un ? Dans "Thelma" du Norvégien Joachim Trier, son éveil chez une jeune femme coïncidera avec...
Mardi 24 octobre 2017 La jeune metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen proposera à la MC2, du mardi 7 au samedi 11 novembre, une fresque théâtrale (3h20 tout de même), ovationnée cet été à Avignon, sur le destin des Vietnamiens contraints à l'exil en France au...
Mardi 29 août 2017 de Teddy Lussi-Modeste (Fr., 1h32) avec Tahar Rahim, Maïwenn, Roschdy Zem…
Vendredi 19 mai 2017 Où j'ai vu des portiques de sécurité, un film très noir et très fort de Zviaguintsev, et un beau film premier degré de Todd Haynes.
Mardi 28 mars 2017 N'est-ce pas la Fabrique Opéra ?
Mardi 14 février 2017 de Caroline Deruas (Fr, 1h38) avec Clotilde Hesme, Jenna Thiam, Tchéky Karyo…
Lundi 25 juillet 2016 Poursuivant la célébration de sa dixième année d’existence, le Centre d’art Bastille accueille tout l'été l'exposition collective "Sous le soleil exactement, coucher de soleil et lever de rideau" où la question du paysage est mise en exergue. Une...
Mardi 26 avril 2016 Un groupe punk à la dérive vérifie à ses dépens la réalité du slogan "No Future" en se produisant devant un public de fachos. S’ensuit un huis clos surprenant, avec larsen et acouphènes modulés par l'Américain Jeremy Saulnier. Prix du Petit...
Lundi 18 avril 2016 Cinéaste aux inspirations éclectiques (mais à la réussite fluctuante), Christophe Honoré jette son dévolu sur deux classiques de la Comtesse de Ségur pour une surprenante adaptation à destination des enfants autant que des adultes… Vincent Raymond
Mardi 29 mars 2016 La jeune metteuse en scène Caroline Blanpied retente l'aventure Fabrique Opéra après une "Flûte enchantée" réussie l'an passé. Cette fois-ci, le chef d'orchestre Patrick Souillot lui a mis du Verdi entre les mains... Aurélien Martinez
Mardi 2 février 2016 De César Acevedo (Col., 1h37) avec Haimer Leal, Hilda Ruiz, Edison Raigosa…