Un Grenoble Street Art Festival loin de la rue


Spacejunk

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Depuis mercredi 10 juin, le Grenoble Street Art Festival a envahi la ville entre fresques murales, expositions et animations diverses. Une manifestation qui se veut avant tout « pédagogique », avec une portée artistique dont la réussite se trouve surtout dans les murs de Spacejunk. Charline Corubolo

Avant même de débuter, la première édition du Grenoble Street Art Festival, organisée par le centre d'art Spacejunk, faisait polémique. Diverses considérations politiques, notamment concernant l'annulation de plusieurs festivals et l’accord d’une subvention à celui-ci par la Ville de Grenoble, étaient au cœur du débat. De notre côté, on attendait surtout de découvrir l'aspect artistique de la manifestation. On a d’abord assisté à l'envahissement progressif (et toujours en cours) de l’espace urbain, notamment du quartier Championnet et du Chorus, espace éphémère le temps du festival, par des fresques murales, dévoilant aux yeux de tous la complexité de cet art et l'impressionnante technique dont font preuve les artistes.

Puis il y eut les vernissages des trois expositions phares de l'événement : celle de l'Ancien musée de peinture, celle de la Nunc ! Gallery et celle du centre d’art Spacejunk. Un rendu fidèle à la volonté de Jérôme Catz, avec une dimension pédagogique accessible à tous ; au détriment peut-être du sens…

Les limites du musée

Dans l'Ancien musée de peinture, l’appréhension que nous avions de découvrir un déballage dense et informe d’œuvres était grande. Ô joie, la surprise fût agréable lorsque l’on a constaté que ce n'était pas le cas. Cependant, le paradoxe demeure : le street art est censé être dans la rue, et non dans un musée qui dissipe la substance même de ses actions.

La volonté de reconnaissance des "street artists" est compréhensible, et cette légitimité ne s'acquiert bien souvent qu'en passant par les institutions. Mais la pâle transposition sur toile d’œuvres pensées dans un milieu urbain fait perdre toute force à ces productions. De Goin, dont les images sont simplement posées sur un tableau, à Petite Poissone, dont les phrases habillant habituellement les murs se retrouvent elles aussi sur des tableaux, la mise en perspective ne cherche pas de nouveaux angles pour proposer les messages différemment.

L'ambition, ici, est surtout d'expliquer aux visiteurs ce qu'est le street art, la déambulation se transformant alors lentement en déroulé d'un découpé de la rue posé dans un musée. Si l'aspect historique présenté au début du parcours est intéressant et indéniablement essentiel, le reste de l'exposition réduit le discours des artistes, voire amoindrit la portée de leur art au profit d'une communication de masse. Alors que l'art, quel qu’il soit, est avant tout question de sensibilité et d'environnement.

Gloire à la photographie

Et c'est justement quand on se retrouve dans l'environnement du "street artist" que cela fonctionne, grâce notamment aux photographies de Riky Kiwy dévoilées dans l’Ancien musée de peinture. Intitulée Train Waiting, la série pénètre au cœur du sujet en suivant les acteurs de ce mouvement. De tunnels de métro en dépôts de trains, l'image transmet avec beaucoup de force l'ambiance et l'atmosphère dans lesquelles les artistes agissent.

Vêtements, positions et matériels éclairent les ambitions que revendique l'ensemble d'un mouvement dont les protestations s'inscrivent dans notre quotidien urbain, pour que le message soit partagé directement. Des clichés saisissants dont la beauté esthétique ne fait que rajouter à l'intérêt de la série.

Le clou du spectacle

Si l'exposition présentée à la Nunc ! Gallery nous a laissés de marbre, celle de Spacejunk, Moments de solitude, nous a plongés dans un nouvel univers fait de petites sculptures reflétant une société à l'agonie. Bien que l’Espagnol Isaac Cordal ait commencé dans la rue en disséminant ses figurines ici et là, son entrée dans la galerie suit pleinement son fil d'Ariane, mais en en donnant une nouvelle vision. Plus abouties, les pièces pointent du doigt une société dictée par une loi du plus fort, de la technologie et du consumérisme. La mise en espace à l'intérieur prend alors une autre portée, les œuvres se répondant les unes les autres avec des légendes on peut plus ironiques.

Un essai transformé donc, pour une première édition du Grenoble Street Art Festival riche mais inégale. Rendez-vous l’an prochain, Jérôme Catz ayant encore de nombreuses idées.

Grenoble Street Art Festival, jusqu'au 21 juin

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