Mardi 3 janvier 2017 On vous propose d'aller au Musée de Grenoble, au Musée dauphinois, à Spacejunk ou encore à la Halle de Pont-en-Royans.
Alice Assouline et Line Orcière, prêtresses de mythes
Par Charline Corubolo
Publié Jeudi 16 février 2017
Photo : Charline Corubolo
Chasse
Espace Vallès
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
Exposition / Comme dans une traque picturale aux confins des mythes collectifs, Alice Assouline et Line Orcière explorent les légendes peintes sur nos inconscients. De lieux supposés hantés en chasses sauvages, les deux artistes mènent une quête fantasmagorique par la peinture. Une "Chasse" commune au cœur d'un quotidien légendaire à découvrir à l'Espace Vallès.
Elles ont fait leurs armes aux Beaux Arts de Grenoble, ont le même âge et, d'une certaine manière, déploient un dessein commun dans leur investissement pictural. Alice Assouline et Line Orcière se différencient cependant dans la façon d'éprouver la matière et dans l'exploration des mythes et légendes, bien qu'elles fassent appel toutes deux à une sorte d'inconscient collectif du conte.
Quand Alice Assouline n'investit pas le champ de la performance par des nappes musicales teintées d'ambient, elle s'immerge dans l'environnement lors de ses résidences pour en extraire la quintessence imaginaire des lieux. Line Orcière, quant à elle, use de la peinture pour, à travers le monde animal, révéler l'ambigüité d'une civilisation à la lisière du sauvage.
À l'Espace Vallès qu'elles occupent en ce moment, la première dévoile ainsi des toiles à la peinture à l'huile, tandis que la seconde déroule une pratique plus diverse entre peintures in situ, taxidermie et toiles au stylo Bic. Les deux artistes sillonnent toutefois une thématique commune, partant en quête de mirages à l'essence quasi réelle, qui donne toute la cohérence à cette exposition. Un tableau de Chasse saisissant qui transfigure la figuration.
La nature habitée d'Alice Assouline
Car, si de prime abord, la nature d'Alice Assouline s'imprime dans une vision d'un paysage réel, le panorama déployé glisse sur un terrain surréaliste où même l'étrangeté souffle sur le lac nacré de l'Oisans en apparence tranquille. S'imprégnant des mythes des lieux, l'artiste transpose les récits qu'on lui a contés dans l'espace de la toile. La nature n'est plus alors tranquillité mais élément perturbateur.
Les lampadaires des villes prennent un halo mystique tels des yeux qui épient dans le noir. Au gré d'une touche nébuleuse, elle donne vie au Coupeur de feu de l'Ariège, marquant le ciel de feux follets spirituels, vision trouble d'une ville qui s'embrase.
Une narration absurde et irréelle se délaie ainsi de toiles en toiles, basculant jusque dans les coins sombres d'une grotte dans laquelle le corps d'une jeune fille a été déchiqueté, ou au cœur d'une clairière pendant une parade enflammée, telle une danse fauve des esprits. Le Saloon en plein brassier éclate de couleurs, laissant l'imagination explorer nos propres fantasmes. En faisant sien le mythe, Alice Assouline tente alors de comprendre par la peinture l'histoire des lieux.
La civilisation sauvage de Line Orcière
À l'étage, le mythe ne se loge pas dans les recoins de la terre mais dans ceux du psychique. Arpentant des sentiers métaphysiques, Line Orcière travaille en immersion en respectant dans son œuvre les calendriers des anciens rites de chasse. Elle tente d'en apprivoiser la nature, qu'elle soit humaine ou animale, et crée une frontière poreuse entre la civilisation et le sauvage.
En utilisant la figure du gibier comme symbole, elle interroge notre rapport au règne bestial, que l'homme chasse selon la convention acceptée, et pourtant barbare, de se nourrir. Pourtant, dans ses représentations, l'humain est absent. C'est à travers le décorum du bestiaire que se manifeste la fatalité du vivant. Sur une fresque in situ apparaît ainsi le mythe du sang noir, selon lequel le sang des chasseurs change lors des battues ce qui les plongerait dans un état de sauvagerie, la tête des animaux peints devenant d'énormes sphères sombres.
Avec Line Orcière, la difformité dévoile alors une société de la cruauté. À l'instar de cette pièce de taxidermie où deux queues de cheval s'affichent tels des totems kitschs, ou de la sculpture de veau déformé qui devient virginale par sa blancheur. Une contamination du vivant dénonciatrice, chargée de mysticisme ténébreux.
Chasse
À l'Espace Vallès (Saint-Martin-d'Hères) jusqu'au samedi 4 mars
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