Un bonimenteur de porte-à-porte à la rue donne malgré lui le virus de la comédie à son fils... Avec son troisième long-métrage, le réalisateur français Xavi Molia signe une splendide comédie sociale aux accents tragiques, portée par Kacey Mottet-Klein et Kad Mérad, touchants dans l'expression maladroite d'une affection mutuelle.
Volubile embobineur, Joseph a connu des jours meilleurs dans l'escroquerie. Pour se sortir de cette période un peu délicate, il pense pouvoir compter sur sa famille, et en particulier sur Micka, son fils qu'il a patiemment formé. Mais ce dernier rêve d'exercer ses talents ailleurs : sur scène.
Aspirer à être comme un roi, c'est un peu construire des châteaux en Espagne : viser un objectif prestigieux, tout en sachant inconsciemment en son for intérieur qu'il est d'une essence incertaine. On ne pourrait mieux résumer le personnage de Joseph, artisan-escroc à l'ancienne dont les talents de hâbleur ne lui permettent plus que de ramasser des miettes dans un monde contemporain le dépassant chaque jour davantage. Bateleur sans public, il demeure seigneur révéré d'une famille soudée dans le délit, mais assiste impuissant à la rébellion paradoxale de son fils dont il réprouve les choix et déplore l'absence de conscience criminelle. Un fils qui, de surcroît, le surpasse dans sa branche.
Art, niaque et arnaques
Xabi Molia avait entre ses doigts un sujet de tragédie shakespearienne et de comédie italienne, une pichenette pouvant faire pencher son film d'un côté ou de l'autre. Le miracle, c'est qu'il parvient à rester sur ce fil ténu et à concilier l'inconciliable ; à donner une épaisseur intranquille à des personnages ridicules, à les nimber d'une tendresse bienveillante non feinte éclairant la grisaille de leur horizon. Les frères Dardenne colorés par Dino Risi, Ken Loach illuminés par un Alberto Sordi ou un Ugo Tognazzi ; voire Pierre Jolivet (fin des années 1990) secoué par le Roberto Benigni de la même époque... Voilà cet immiscible offert par Comme des rois, et qui doit tant à l'interprétation de Kad Merad.
Si sa "vis comica" et sa profondeur dramatique ont déjà été appréciées, elles sont sans doute convoquées ici pour la première fois simultanément dans un personnage synthèse que l'on ne peut ni tout à fait aimer, ni haïr complètement. Molia a perçu la formidable capacité de Merad a jouer des nuances, quand tant d'autres bloquent leur curseur à fond sur une unique couleur. L'effet Baron noir, paraît-il ; le métier et la confiance, aussi.
Comme des rois
de Xabi Molia (Fr., 1h24) avec Kad Merad, Kacey Mottet Klein, Sylvie Testud...