De Lou Jeunet (Fr, 1h47) avec Noémie Merlant, Niels Schneider, Benjamin Lavernhe...
Paris, fin XIXe. Pour sauver les finances familiales, Marie de Héredia est "cédée" par son poète de père au fortuné Henri de Régnier, alors qu'elle aime son meilleur ami, le sulfureux Pierre Louÿs. Tous deux entretiendront malgré tout une liaison suivie, émaillée de photographies érotiques...
Quand une chambre (noire) peut être le lieu de toute les passions... La réalisatrice Lou Jeunet donne une vigueur nouvelle et réciproque à l'expression "taquiner la muse" en animant son élégant trio – lequel ne restera pas longtemps prisonnier de sa relation triangulaire. La relation entre Pierre et Marie (où Henri fait figure d'électron satellite, ou d'observateur consentant) admet plus ou moins volontiers d'autres partenaires et inspire, outre des clichés porno/photographiques, une abondante correspondance ainsi qu'une féconde production littéraire chez les deux amants – sans parler d'un rejeton adultérin.
Aussi paradoxal que cela paraisse, c'est le voyeurisme de l'érotomane Louÿs qui permettra l'émancipation de Marie : en découvrant l'exultation des corps, la jeune femme va trouver les ressources pour s'affranchir d'un patriarcat plus obscène que ses poses suggestives et entamer (certes sous un nom d'emprunt masculin) sa carrière d'autrice. Trois quarts de siècle avant la première grande vague féministe coïncidant avec l'explosion du porno, on note donc déjà cette conjonction entre prise en charge par la femme de l'image de son corps nu et de sa sexualité/affirmation de sa valeur intellectuelle ou artistique. Pour suivre Bourdieu, la domination d'un genre sur l'autre se résume donc bien à des questions de sexe.