Enquête / Toujours fermé à ce jour, le Magasin des Horizons fait l'objet de rumeurs alarmantes. Si ses tutelles publiques disent vouloir continuer à le soutenir, il est difficile de savoir de quoi son avenir sera fait. Une situation inquiétante que nous avons tenté de décrypter.
La fermeture des musées du fait de la crise sanitaire a pu un temps nous laisser penser que le Magasin des Horizons, présenté comme un centre d'art, subissait le même triste sort. Des sources concordantes nous ont assuré que sa situation était plus complexe. De fait, après avoir demandé des informations à la Ville de Grenoble, nous avons appris que la directrice, Béatrice Josse, était désormais partie, au terme d'une fin de parcours chaotique : nommée en mars 2016, elle était absente depuis plus d'un an.
Plusieurs membres de l'équipe ont également connu des périodes d'arrêt et/ou quitté leur poste après avoir été déclarés inaptes. Vendredi 19 mars, Anne-Marie Charbonneaux, présidente du conseil d'administration de l'association liée au Magasin, nous a assuré qu'il en restait quatre, au chômage partiel. Le tout contre neuf équivalents temps plein au départ, selon nos informations. Une première salariée avait pourtant alerté le conseil d'administration sur des difficultés dès novembre 2019, avant d'être relayée, notamment par un syndicat qui a adressé des courriers aux administrateurs en février et juin l'année dernière. Des délégués du personnel et un médecin du travail sont également intervenus courant 2020.
Des départs non remplacés
Et maintenant ? Le conseil d'administration est aujourd'hui en sous-effectif : les tutelles (État, Région Auvergne Rhône-Alpes, Département de l'Isère et Ville de Grenoble) y siègent de droit, mais sa présidente, arrivée en 2013 et désormais seule membre du bureau, aimerait bientôt passer la main. Beaucoup d'administrateurs – démissionnaires ou arrivés au terme de leur mandat – n'ont pas été remplacés. Une liste ouverte de seize personnalités, susceptibles de devenir membres associés, serait sur la table des discussions. En attendant, Jérôme Maniaque, directeur administratif et financier, gère les affaires courantes. La suite est difficile à prédire, mais il va sûrement y avoir du changement. De nouveaux statuts de l'association ont été débattus et devraient être publiés au Journal officiel.
Vis-à-vis du public, en revanche, les portes restent closes, ce que la situation sanitaire n'explique pas à elle seule, des centres d'art comme le Vog à Fontaine ou l'Espace Vallès à Saint-Martin-d'Hères ayant déjà rouvert. Quant à la communication du Magasin des Horizons, elle est presque au point mort. Le site Internet est en panne – il aurait fait l'objet d'une attaque informatique et subirait en outre les conséquences de l'incendie d'un datacenter d'OVH, qui hébergeait ses données. Même constat du côté de deux réseaux sociaux : le compte Instagram et la page Facebook sont à l'arrêt, depuis respectivement le 25 et le 27 janvier. Un blackout qui nuit à l'image de la structure, alors qu'il n'y a pas besoin de chercher loin pour trouver des sites très critiques sur sa gestion et sa ligne artistique récente. On a reçu un texte incendiaire sur le sujet à notre rédaction !
Les tutelles unanimes pour l'instant
Le possible renouveau du Magasin des Horizons passera par l'arrivée d'une direction et la définition d'un cap pour l'avenir. Bien que ne contribuant pas toutes à parts égales au budget, les collectivités publiques du conseil d'administration semblent pour l'instant faire front commun. C'est ce que suggère un communiqué qu'elles ont signé ensemble, parvenu au Petit Bulletin le 10 mars dernier. Les quatre institutions y saluent le travail de la présidente et témoignent « de leur profond attachement au Magasin-Centre d'art contemporain et, plus généralement, à la place des arts visuels à Grenoble. Lieu d'exposition, d'accueil des artistes, de sensibilisation des publics, il est un élément fondamental de la vie culturelle municipale, départementale, régionale et nationale, que nous nous accordons tous à vouloir préserver sur le site Bouchayer-Viallet. »
Les collectivités émettent en outre le souhait « qu'une nouvelle direction puisse être choisie dans le cadre des attendus du label des centres d'art d'intérêt national du ministère de la Culture », « assurent l'établissement de leur engagement financier à ses côtés » et estiment qu'un « temps de réflexion et de concertation doit être accordé à la préparation de cette nouvelle étape ». Une autre difficulté se fait jour, politique celle-là : du fait des élections à venir, on ignore encore qui pourra représenter la Région et le Département au conseil d'administration au second semestre de cette année.