Pour leur déconfinement, les cinéastes réclament vengeance !

À l’occasion du retour de la revanche des salles obscures, la vengeance est servie comme plat de résistance au menu de bien des séances. Vous en reprendrez bien un peu en quatre films à voir ces prochaines semaines ?

Savoureux plat pour qui la cuisine, amer pour qui la déguste froide, la vengeance est en général plaisante à observer à l’écran. Si l’on a pu se délecter durant le confinement de l’excellent (et dépaysant) The Nightingale de Jennifer Kent, la réouverture nous offre une sélection éclectique à dévorer ces trois semaines.

En tête de gondole, une étrange fausse comédie noire (mais au vrai sous-texte féministe) signée de la Britannique Emerald Fennell : Promising Young Woman (26 mai, photo). Carey Mulligan y campe, sous différents avatars, une jeune femme feignant d’être ivre dans des bars ou des boîtes afin de piéger les hommes tentant d’abuser de son apparent état de faiblesse, histoire de les vacciner à tout jamais contre leurs comportements de sanglier. Consécutive à un traumatisme d’adolescence, sa croisade connaîtra une spectaculaire fin. Construit comme une rom-com alternative, où Cendrillon serait vêtue de conscience sociale et perdrait la vie au lieu d’un soulier de vair, ce premier film use d’une fausse perversité pour dénoncer celle ordinairement admise par le modèle dominant. L’Oscar du scénario n’a pas été usurpé : Emerald Fennel s’avère elle aussi une jeune femme prometteuse.

Autre talent à suivre, le français prolifique Jérémie Guez qui, avec Sons of Philadelphia (même date), place face à face deux cousins de la mafia philadelphienne jusqu’alors unis comme des frères. En cause, un événement ressuscitant les cadavres de la "famille"… Imprégné de l’esprit douloureux et de l’image bistre du Parrain, ce film noir comme de l’encre antipathique se révèle digne de cette tragédie contemporaine de référence faite de trahisons, violences, dollars et sang – à l’instar de Blood Ties, le meilleur Guillaume Canet. S’il est porté par un Matthias Schoenaerts massif et mutique et un Joel Kinnaman effrayant en chien fou, on décerne une mention spéciale à Maika Monroe, silhouette d’espérance balayant les remugles de testostérone.

Comme un roc(k)

Cette testostérone qui circule dans les veines du héros-titre de Nobody (2 juin) réalisé par le Russe Ilya Naishuller. En apparence père tranquille menant une vie routinière de petit comptable, Hutch s’avère un ancien "nettoyeur" d’une agence para-gouvernementale qu’un cambriolage à domicile va réveiller, et conduire à affronter l’équivalent du parrain dépositaire des fonds de pension de la mafia russe. Campé par Bob Odenkirk (alias Saul de la série Better Call Saul), Hutch s’engage dans une mécanique du talion aussi exponentielle que jouissive, avec craquements d’os, gnons et pièges vicieux joliment montés. En bonus, un répertoire de seconds couteaux bien affutés (de Connie Nielsen à Michael Ironside en passant par Christopher Lloyd) et – déjà – la promesse d’une suite alors que notre "nobody" n’a pas encore cicatrisé… Vivement le retour de bâton !

Et puis il y a ce formidable anime du Japonais Kenji Iwaisawa, On-Gaku : Notre Rock ! (19 mai), où trois lycéens à la fois délinquants, apathiques et no-life oublient leurs rivalités stériles avec la bande d’en face en découvrant la musique. Pétri de "nonsense", d’esprit punk et de références à la naissance du rock progressif comme aux grands-messes de la fin des années 1960, ce film illustre (au sens propre) la diversité des émotions que la musique peut procurer en modulant l'esthétique de la sobriété aux effets rotoscopiques. On lui pardonnera de faire passer la vengeance au second plan : il fait un effet bœuf.

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