Racine, Molière, voire même Labiche… Cette année encore, les pontes de la verve française ont eu les faveurs des metteurs en scène français vus à Grenoble, façon de nous signaler la pertinence et la modernité intrinsèques de ces auteurs. Si certains metteurs en scène ont essayé de chambouler les textes, de les retourner et d’en sortir autre chose, force est de constater que le risque était mesuré tant ces grandes œuvres restent des classiques du genre quasiment sûrs de remplir les salles (le Molière présenté en janvier à la MC2 par Jean-Pierre Vincent et Daniel Auteuil a ainsi connu un franc succès).

Sans forcément créer une opposition stérile entre deux formes supposées antinomiques de théâtre (d’ailleurs, il n’y en a pas deux mais beaucoup plus !), la présence cette semaine à la Salle noire du Théâtre de création de la Cie Cicerone, la présentation la semaine dernière à l’Espace 600 de l’excellent Sleeping Beauty de l’Irlandaise Colette Garrigan, la venue il y a deux semaines à Grenoble du plus que percutant Vincent Macaigne et le fabuleux triptyque du Flamand Guy Cassiers donné en début de saison ont le mérite de nous interroger, chacun à leur façon, sur notre conception du théâtre, et notamment sa pratique en France. Aux dires des Anglais, notre théâtre serait ainsi trop littéraire, et surtout pas assez ancré dans le monde d’aujourd’hui (comme le démontre cette enquête réalisée par Télérama). « Dans un corset trop rigide, le théâtre français manque d'air. Avec le temps, il risque de se momifier » prophétise même un dramaturge anglais.


Bon, après avoir reçu la sentence en pleine face, essayons de voir si cette critique s’est vérifiée chez nous cette saison (bien que l’agglo grenobloise ne représente pas la France, loin de là ; un paquet de metteurs en scène passionnants ne passant pas en Isère). Et là, force est de constater que oui, les plus grosses claques théâtrales reçues cette année nous ont été données par des hommes et des femmes de théâtre étrangers*. Et là, que faire, que dire ? Faut-il mettre tous nos metteurs en scène à la poubelle ? Émigrer au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie ?! On n’ira pas jusque là, car quand même, on a foi en l’avenir. Et on n’oublie pas aussi que des artistes français sont arrivés, eux aussi, à nous retourner, même si leurs sujets peuvent sembler moins risqués que ceux véhiculés par d’autres théâtres étrangers, et leurs choix plus classiques (des textes vieux de 2000 ans peuvent toujours être pertinents).


Pour en revenir à la Cie Cicerone et à son metteur en scène Julien Anselmino, n’hésitez pas à aller voir le rendu de son travail cette semaine (jusqu'à samedi). Je l’ai vu vendredi, et même si tout n’était pas parfait (ils ont bien bossé le week-end dernier m’assurent-t-ils !), leur pièce a le mérite de proposer quelque chose de nouveau et de percutant, et ça fait diablement du bien.

* Exceptés Vincent Macaigne évidemment, et la made in France Julie Bérès qui, avec Sous les visages a littéralement réussi à nous retourner. Tout n’est donc pas perdu en France(!), même si cette dernière a beaucoup de mal à faire tourner son spectacle nous a confié son assistante.

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