Pourquoi vous faire un compte-rendu du concert donné par le Ukulele Orchestra of Great Britain le mardi 18 août au Royal Albert Hall ? Dans un premier temps, pour prolonger très égoïstement le plus grand choc esthétique de mes vacances, mais surtout pour prouver que la formation, active depuis plus de vingt-cinq ans et devenue une véritable institution dans une Albion pas si perfide qu’on voudrait bien le faire croire, vaut bien mieux qu’un simple visionnage à la sauvette sur les sites de partage vidéo pour briller en société auprès de vos camarades adeptes de reprises jubilatoires. Ces huit performers tout terrain se sont faits une spécialité des réarrangements les plus saugrenus (cherchez donc sur le net leurs covers de Smells like teen spirit, du thème de Le Bon, la Brute et le Truand, ou leur superbe version crooner du Wuthering Heights de Kate Bush), des réappropriations jouissives où chaque musicien donne à tour de rôle de la voix, sans jamais oublier de verser dans le décalage humoristique. Si leurs shows regorgent de grands moments comiques, ils demeurent de véritables concerts ourdis par des musiciens chevronnés, capables de prouesses sonores d’autant plus admirables qu’elles sont accomplies avec une grande légèreté (allez jeter un œil sur leur détournement de Life on Mars pour vous en convaincre). Le 18 août, dans le cadre des très prestigieuses soirées BBC Proms, le groupe a présenté un répertoire à 80% inédit, prouvant si besoin en était son éclectisme comme son énorme talent. Après une courte intro toute en virtuosité, le premier tour de force de la soirée se fait entendre : une reprise incroyablement primesautière d’Anarchy in the UK des Sex Pistols, qui donnerait envie à tout individu normalement constitué de claquer des doigts en répétant le mantra “Aaaanarchy“ d’un air suave. Dans cette impériale foulée, les huit musiciens fusionnent avec une saisissante évidence La Chevauchée des Walkyries wagnériennes avec le psyché Silver Machine de Hawkwind. Mais le public n’est pas au bout de ses surprises. Après son incontournable Life on Mars, le Ukulele orchestra invite son chanteur le plus rauque à entonner une relecture toute personnelle du thème de Thunderball (Opération Tonnerre), avant que sa fluette comparse ne revisite de fond en comble le pourtant horrible Teenage dirtbag de Wheatus. Et là, on est soufflé par la maestria de la formation : pour transformer cet hymne rock FM bouffi des campus étatsuniens en ballade à la mélancolie bouleversante, il fallait vraiment se lever de bonne heure… C’est bien simple, on découvre quasiment le morceau pour la première fois. Moins immédiatement jouissive, l’interprétation du titre suivant (Danse macabre de Saint-Saëns) constitue néanmoins une redoutable démonstration de savoir-faire technique à même de terrasser les mélomanes les plus exigeants. Pour détendre l’atmosphère, les musiciens enchaînent avec une version déférente de l’hymne sportif anglais Jerusalem à destination des étourdis qui auraient décroché sur le morceau précédent. Puis, sans crier gare, on est cueillis par une reprise jubilatoire du Psychokiller des Talking Heads, de plus en plus barrée tandis que les couplets s’égrènent. La fin du live approche, et le plat de résistance arrive enfin : en amont de leur représentation, les membres du Ukulele Orchestra ont encouragé les amateurs à répéter L’hymne à la joie de Beethoven pour les accompagner sur leur instrument de prédilection. Enorme surprise pour le public comme pour le groupe : sur les 6000 personnes présentes ce soir-là, 1000 ont apporté un ukulele et se lancent dans l’interprétation du morceau. Autant vous dire que le rendu dans la salle fut des plus saisissants et vertigineux… Pour se remettre de ses émotions, le Ukulele Orchestra se lance dans une version a capella du Pinball Wizard des Who à se tordre de rire. Pour le rappel, enfin, avant de conclure sur leur classique Wuthering Heights, les huit musiciens livrent un medley littéralement hallucinant, où se chevauchent harmonieusement Sympathy for the devil, I’m waiting for my man, Hey Jude, Sexy thing, Heroes ou même Angel de Robbie Williams… Le tout sans forcer, sans ruer dans les brancards, mais avec cette volonté dont le groupe a fait sa profession de foi depuis ses débuts : démonter les carcans musicaux, abolir les frontières entre les genres pour en livrer toute la quintessence ludique et surtout l’émotion. Pour entendre la captation du concert par BBC 3, ruez-vous sur cette page : http://www.bbc.co.uk/iplayer/events/Proms/b00m68x7/ Pour avoir un (petit) aperçu de la version de L’hymne à la joie pour 1008 ukuleles, allez donc voir : http://www.youtube.com/watch?v=tvKOFOlNBag Et pour plus d’infos : www.ukuleleorchestra.com

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