Rock / Vingt ans après sa naissance et dix après sa séparation effective, le groupe lyonnais Fake Oddity remet le couvert pour un soir à La Marquise pour marquer le coup de cet anniversaire. Un concert qui réveille le souvenir d'une scène musicale lyonnaise qui au creux des années 2000 a figuré un genre de movida pop où dans le sillage de quelques groupes phares et du tremplin Dandelyon régnait l'émulation et le serrage de coudes.
Hasard du calendrier ou pas, à l'heure où le cinéma français célèbre en grande pompe D'Artagnan et les Trois Mousquetaires dans un film événement, le groupe lyonnais Fake Oddity nous la joue, lui, Vingt Ans Après, comme dans le sequel imaginé par Alexandre Dumas. Ils sont aussi au nombre de quatre — le chanteur Faik Şardağ, le guitariste Antoine Levallois, le bassiste et contrebassiste Mathieu Destailleur et le batteur Fred Bassier – et, ressortant les mousquets, fêtent les vingt ans d'un groupe qui en aura duré dix.
Tout commence à Lyon au début des années 2000 lorsqu'un étudiant stambouliote, Faik Şardağ, décide de plaquer ses études de dessin à Émile Cohl pour vivre sa grande passion (avec le basket) : la musique. Quelques petites annonces plus tard, il rencontre le guitariste Antoine Levallois, les deux sont bientôt rejoints par Mathieu Destailleurs et Fred Bassier. Le nom du groupe, Fake Oddity, contraction de Fake Plastic Trees (Radiohead) et Space Oddity (Bowie) scellera la jonction d'influences éparses qui au départ se concentrent surtout sur une version très rock et perchée des Doors.
Groupe de scène porté par les prouesses lysergiques de ses musiciens et le charisme de son chanteur – voix à la Jeff Buckley, propension à tomber la chemise qui plonge l'audience féminine dans des abîmes de pâmoison – le groupe se fait connaître avec l'album Pinkstrasse qui fera office de carte de visite auprès des structures locales Médiatone et du tourneur Caravelle. Lesquelles leur mettront véritablement le pied à l'étrier. La même année, le groupe remporte le tremplin Dandelyon (voir par ailleurs) et continue de muscler son jeu sur des compositions (Soul Hate Blind Friend, Kill The Young, Space Dog) qui viendront garnir son deuxième album.
French Beauté
Run Fast est publié en 2008 et enregistré en Turquie, au studio Imaj d'Istanbul. Tout un symbole pour Faik qui n'a pu y retourner pendant des années pour une sombre histoire de service militaire qui lui vaut peu ou prou le statut de déserteur. Ses difficultés d'expatrié alimentent d'ailleurs en partie Run Fast, pour lequel le groupe tourne un peu partout en France (où il partage la scène avec des pointures du moment telles que Superbus, BB Brunes, Izia, Stuck in the Sound, Hushpuppies ou Sum 41) et en Turquie. Après une pause salvatrice induite par cette tournée épuisante — pause durant laquelle Antoine Levallois en profite pour fonder le label Honey Pie Records —, Fake Oddity opère un virage assez radical vers la pop avec French Beauté en 2012.
Plus apaisé, moins brut de décoffrage, French Beauté laisse entrevoir les talents de mélodiste du groupe, explore davantage de pistes musicales (bossa, rock panafricain ou hispanisant, harmonies vocales, arrangements de cuivres) et exploite davantage la voix élastique de Faik, quasi crooner en maintes occasions et véritable avaleur d'octaves. Un disque surprenant qui ouvre quelque peu les horizons du groupe.
Mais c'est pourtant précisément là que le groupe cesse toute activité, chacun se concentrant sur sa vie familiale et/ou professionnelle après dix ans : Antoine Levallois continue de développer Honey Pie Records, Mathieu Destailleur et Fred Bassier mettent au point un spectacle pour enfant intitulé Le Laboratoire des gros barbus et Faik Şardağ entame une carrière solo en mode folk sous le nom de Faik Sharr - il continue d'écumer plusieurs soirs par semaine les scènes lyonnaises avec sa performance de jukebox humain où il ratisse des dizaines de reprises, ou avec ses propres chansons. Un peu comme les Mousquetaires de Dumas avant que de reprendre les armes vingt ans après. Ici pour un one shot mais avec tout le panache du monde.
Fake Oddity, concert anniversaire : 20 ans (avec Joseph Merrick)
À la Marquise le vendredi 21 avril