Cirque / Le festival consacré aux arts du cirque revient enfin après les arrêts Covid. La crème du nouveau cirque se déploie à Lyon, Villeurbanne, Vénissieux et Bron jusqu'au 17 juin. Revue de détails de cette programmation revigorante.
C'était en novembre 2015, juste avant que Laurent Wauquiez ne soit élu à son premier mandat de cette région tout juste agrandie d'Auvergne Rhône-Alpes. À nos confrères du Progrès, il déclarait vouloir « fermer les formations fantaisistes comme celles des métiers du cirque et de la marionnette » au profit de formations « débouchant sur de vrais jobs ».
Ces métiers sont si fantaisistes que la promotion sortante de l'École de cirque de Lyon (dans le quartier de Ménival), préparatoire aux grandes écoles, a vu six de ses douze élèves intégrer une école supérieure, dont trois dans le seul Graal qu'est le CNAC, le Centre national des arts du cirque situé à Châlons-en-Champagne, véritable repère de l'excellence en Europe. Fermez le ban.
Côté finance, l'école a vu son montant de subvention de la Région, de 60 000€, maintenu (après une baisse de 5 000 € l'an dernier). Même son de cloche pour la compagnie MPTA ainsi que pour le festival UtoPistes. Osons croire que si les financements sont maintenus, c'est que la Région a une bonne raison de le juger nécessaire (soyons fous). Mathurin Bolze, à la tête de la compagnie et du festival, a pourtant signé comme près de 300 autres personnalités de la culture la tribune dans Le Monde quant aux « dérives autoritaires du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes ». Le temps est donc à l'inquiétude pour celui qui ouvre UtoPistes en reprenant Ali, quinze ans après sa création avec Hédi Thabet, soit 25 minutes de rébétiko pour un duo à « trois jambes, quatre mains et deux têtes ».
Quasi chercheur en équilibre
C'est dans ce contexte que se déroule du 23 mai au 17 juin la sixième édition de ce festival des arts du cirques, né en 2011, dont les données chiffrées résument la diversité (et une approche de la parité) de ces artistes : cinq spectacles sur les 17 présentés usent de la parole, six sont conduits par des femmes, six autres par des équipes mixtes. Il y a bien sûr des pointures qui affichent complet comme Vimala Pons et son Périmètre de Denver enfin à Lyon (à la Maison de la Danse) où elle travaille la notion de mensonge.
Autre star : Johann Le Guillerm, diplômé de la première promo du CNAC en 89, devenu un quasi chercheur en équilibre, « praticien de l'espace des points de vue » comme il le dit, soit des jeux avec des objets transparents, des arrêtes de bois pour creuser les « secrets », anagramme de ce Terces présenté sous chapiteau à Parilly (une première dans l'histoire du festival). Lui succédera, en partenariat avec les Nuits de Fourvière, deux dates des sortants de ce fameux CNAC, Balestra. Là encore c'est une première qu'ils viennent jusqu'à nous. Les quatorze artistes travaillent sur la figure du Pierrot lunaire sous le regard d'une enfant de la balle, Marie Molliens qui a repris la compagnie Rasposo fondée par ses parents, comme quoi le nouveau cirque n'a pas enterré la notion de filialité.
UtoPistes fait aussi la part belle aux spectacles gratuits avec une après-midi (le 28 mai dès 15h30) à l'École de cirque pour un plateau émergent comprenant trois équipes fraîchement sorties d'écoles supérieures et diverses « premières pistes », des étapes de créations. Parmi elles, une proposition hybride entre deux voltigeurs et les formidables actrice et metteuse en scène que sont Alice Vannier et Sacha Ribeiro. À eux quatre ils forment le collectif Was et, dans À tout rompre en bi-frontal, au théâtre du Point du Jour (le 3 juin), ils explorent le thème de la rupture (politique, géographique, amoureuse...) puisqu'il y a des « ruptures qui servent à rien et c'est juste nul ». La voltige est aussi au programme de MEMM, au mauvais endroit au mauvais moment soit au Bataclan le 13 novembre 2015 pour la circassienne Alice Barraud qui a reçu une balle dans le bras ; avec Raphaël de Pressigny, batteur de Feu! Chatterton elle en fait spectacle (au Théâtre de la Croix-Rousse).
Dans une maison calcinée
Parmi l'incroyable panel de spécialistes des arts du cirque, le clown n'est pas en reste avec Sylvain Decure, présent deux fois avec Les Quatre points cardinaux sont trois, le nord et le sud (au théâtre La Mouche et au Théâtre de la Croix-Rousse) — scénographie hors norme dans une maison calcinée — et La Conf'... ou comment on est allé là-bas pour arriver ici ? (aux Subs), une conférence sur la civilisation aussi mal barrée que la maison pré-citée.
Les Célestins referment ce festival qu'ils accompagnent depuis le début avec une partie du diptyque des si délicats Baro d'Evel. Camille Decourtye, avec son compagnon Blaï Mateu Trias, explore ce qui subsiste quand on a tout enlevé (Là). Et le Galactik Ensemble crée en ces murs son troisième spectacle. Les trampolinistes et acrobates étaient trop bavards sur leur précédent Zugswang, mais gageons que cette Presque Fresque aura la pétulance de leur premier opus, Optraken. Ils ont intégré à leur groupe Céline Fuhrer des Chiens de Navarre et Dimitri Jourde, interprète pour Martin Zimmermann et Larbi Cherkaoui.
Festival UtoPistes
Au Parc de Parilly, au TNP, au Théâtre de la Croix-Rousse, aux Célestins, à la Maison de la Danse, au Subs... jusqu'au 17 juin