Peinture / Peintre majeur de la scène artistique française, Marc Desgrandchamps est à l'honneur de la première collaboration entre la galerie parisienne Lelong & Co. et Manifesta investissant les deux étages des locaux de la rue Pizay.
« On n'est pas dans un univers cohérent et parfait : on est toujours dans un univers qui dérape, à un moment donné, vers quelque chose d'autre ». L'artiste livre cette confession à la réalisatrice Judith du Pasquier dans le film-documentaire Desgrandchamps, temps mélangés. Essayons de sonder l'œuvre de ce grand nom de la peinture française.
Dans cette poignante immersion dans l'atelier de l'artiste, cette phrase agit comme un catalyseur, un élément provoquant une réaction immédiate : celle de la fulgurance.
Les silhouettes
Au commencement, la figure. Elle peuple ses peintures avec discrétion et mesure, sans jamais dominer l'œuvre quelle que soit sa dimension et sa position. Mais plus que de figures, il serait plus correct de parler ici de « silhouettes » (titre de ses dernières expositions au Musée des Beaux-Arts de Dijon et au [mac] de Marseille) évoluant dans un monde à deux dimensions.
Jouer avec les temps
Loin du décorativisme – platitude n'étant qu'une fin en soi – l'univers de l'artiste né à Sallanches en 1960, est le lieu de la rencontre des inconciliables. Figeant l'instant précédant tout dérapage, tout écroulement, Marc Desgrandchamps s'autorise à manipuler le temps.
L'œuvre de l'artiste est un inventaire d'images suspendues, arrachées au continuum temporel. Ainsi délivrées de la linéarité chronologique, les peintures peuvent accueillir différentes temporalités, piégeant la contradiction et produisant non pas l'impossible, mais l'absurde.
Éthique du voile
Dans cette métaphysique du quotidien se mouvant entre Giorgione, Antonioni, de Chirico et Hockney, l'artiste semble dévoiler en voilant, exposer sans arracher la couverture du monde.
Son geste est éthique, empli d'attention et exempt de moralisme. Ses figures se glissent dans les objets au même titre que les concepts dans l'esprit.
Dérapages ?
L'interpénétration entre silhouettes et objets incarne l'avertissement d'une catastrophe imminente qui n'aura jamais lieu, mais dont le spectre froid et inquiétant semble prolonger son ombre imperceptible sur les images.
Solo show par Marc Desgrandchamps
à Manifesta jusqu'au 19 juillet