Bande-dessinée / Après Faux accords paru en 2020, l'auteur de BD Pierre Jeanneau sort le second volet de son diptyque Connexions : Château de sable. Des récits touchants qui se croisent, le tout dans un dispositif formel original. What else ?
Nous voilà de retour dans cette ville sale, bétonnée, monochrome. Pierre Jeanneau dessine un urbanisme implacable, intensifié par le dispositif de narration qui rappelle celui des jeux vidéo : tous les environnements respectent la rigidité de la vue en isométrie. Dans le diptyque Connexions, les moments en intérieur se déroulent le plus souvent sur des doubles-pages au fond noir, où l'intrigue est délimitée par la surface de la pièce dans laquelle se trouvent les protagonistes. Un dispositif rassurant pour le lecteur : le récit se déroule dans un lieu fermé, délimité ; décuplant aussi, au passage, un inévitable sentiment de solitude. Autre originalité rappelant là-aussi l'univers des jeux vidéo, des petits hexagones peuplent les cases. Tantôt pour zoomer sur un élément, tantôt pour dérouler en détail une interaction, sans avoir à quitter ce décor campé avec soin.
Crises de ville
On y observe des personnages de tous les âges, tous liés par un moment, plus ou moins anecdotique. Pierre Jeanneau réussit, en quelques cases, à créer un sentiment d'empathie, d'attachement pour ces figures imparfaites. Dans Faux accords, c'était la musique qui reliait une bande de trentenaire doucement alterno, motif permettant de traverser les crises de vie de chacun : opportunité professionnelle, rupture, accident. Dans Château de sable, les personnages principaux du premier opus sont devenus ceux d'arrière-plan, et vice-versa. Cette fois-ci, c'est Le Rossignol, un squat militant menacé d'expulsion qui les lie. Là aussi, les crises de vie pleuvent ; la mort d'un parent qu'on ne pardonne pas, le poids des désirs d'une mère qui vieillit, l'arrivée d'un enfant dans un appartement trop petit, et dans un quotidien trop chargé.
Trouver sa case
Dans cet opus comme dans le précédent, l'important reste l'ensemble : la fresque à laquelle ils et elles participent tous, débordant de vrai. Des amis et des familles urbaines en résistance contre une ville qui refuse d'accueillir, de réunir ou de loger dignement ; sans pour autant ouvrir un boulevard à l'abattement ou au fatalisme. C'est peut-être là la plus grande force du diptyque Connexions.
À noter que Connexions 2 – Château de sable sort aux éditions Tanibis, fleuron de la création sans compromis à Lyon, qui propose — et ce depuis 25 ans — des romans graphiques originaux, oscillant toujours entre le génie et le bizarre, dans un esprit jusqu'auboutiste revendiqué.
Connexions 2 – Château de sable de Pierre Jeanneau, aux éditions Tanibis