Rencontre / La librairie La Tanière accueille le dramaturge François Hien pour évoquer deux de ses pièces, "Éducation nationale" et "Le chat", décomposant chirurgicalement mais non sans empathie les maux qui rongent l'Éducation nationale.
Sur scène, Éducation nationale ou l'immersion au lycée Jean-Zay dure plus de trois heures. Trois heures dans la ville imaginaire de Virieux-en-Vezon, pendant une période de rentrée des classes mouvementée. L'établissement y accueille un nouveau proviseur, tout beau, tout frais et plutôt détaché. Il tente de faire oublier les traumatismes d'une année précédente particulièrement difficile. Chose difficile car hormis cette habituelle valse du personnel dirigeant, rien n'a changé au lycée Jean-Zay. Pas de moyens, pas de personnel et des réformes ubuesques qui s'amoncellent, individualisant toujours plus le parcours des élèves. On y érafle d'ailleurs au passage les polémiques stériles (classes de niveau, uniforme, interdiction de l'abaya) qui bousculent les "têtes blondes" livrées à elles-mêmes.
Grève, grève, grève générale
Éducation nationale chronique la vie d'un établissement scolaire français "normal", et si le focus est plutôt porté sur les travailleuses et travailleurs, force est de constater que toutes et tous (professeurs, élèves, CPE, AESH, chargées d'entretien, personnels de direction, parents) se murent dans une douleur sourde, de celle qu'on n'ose plus regarder car elle a gangréné chaque petit morceau de légèreté.
Suivant les trajectoires d'une trentaine de personnages, c'est une vivisection de ce gros morceau de service public qui est à l'œuvre, expliquant et démontrant le besoin à la fois intime et politique d'aménager des espaces de résistance. Devant les failles systémiques, cette petite société s'organise. Le tableau final est tout en nuance, même si on peut aussi y lire l'espoir utopique d'une amélioration rapide.
Immersion et travail documentaire
François Hien connaît son sujet : il écrit la pièce à la suite d'une longue immersion (deux ans et demi) dans les établissements scolaires de la métropole, collaborant avec Sabine Collardey, professeur de philosophie et dramaturge. Cette implication dans les établissements du territoire est d'ailleurs observable tous les soirs sur scène : des élèves de différentes classes participent au spectacle et jouent leurs propres rôles. 260 lycéens métropolitains prennent ainsi part à cet exercice à la fois de théâtre, mais aussi de regard critique sur cette institution qu'on leur désigne presque toujours comme monolithique. Ce travail aboutit une création au TNP de 2024, concluant ainsi la résidence de L'Harmonie Communale qui avait déjà accompagné La Crèche, mécanique d'un conflit en février 2023.
La rencontre promet donc de riches échanges, tant sur l'expérience de l'artiste en milieu scolaire, que sur les méthodes de construction de ses pièces.
Rencontre avec François Hien le 21 février à 19h à la librairie La Tanière (Lyon 8e) ; gratuit
Bio express
François Hien débute sa carrière en tant que réalisateur de documentaires (Kustavi et Kaïros en 2015) et aussi de fiction (Félix et les lois de l'inertie en 2014, Après la fin en 2019...), il reprend des études de philosophie de 2010 à 2017 avant d'écrire sa première pièce de théâtre La Crèche suivi de l'essai Retour à Baby-loup publié en 2017 aux Éditions Petra.
Il crée la compagnie l'Harmonie communale avec son compère de la compagnie stéphanoise Collectif X Nicolas Ligeon, avec qui il portera sur scène la plupart de ses textes : La Crèche, Olivier Masson doit-il mourir ?, La Peur... De 2019 à 2022, il écrit et dirige Échos de la fabrique, une fresque théâtrale sur la révolte des canuts produite par l'Opéra de Lyon. C'est à partir de 2022 qu'il se penche sur l'Éducation nationale et commence à préparer son projet.
