Panorama ciné avril / Wes Anderson n'a pas l'apanage de l'escapade insulaire : sur avril flotte comme un désir inconscient de fuir la foule déchaînée, ou d'évoquer la situation d'îliens des mers ou des terres...
C'est en Sicile que débute ce tour d'horizon avec un documentaire au titre paradoxal, Nul homme n'est une île (4 avril), dans lequel Dominique Marchais sillonne une Europe des solutions locales positives : ici une coopérative agricole hyper-égalitaire (et bio), là un village autrichien à la pointe de l'environnement et de la démocratie. Loin d'être repliées sur elles-mêmes, ces petites collectivités parvenant à l'autosuffisance énergétique ou alimentaire sont culturellement ouvertes sur le monde et plus accueillantes que bien des grandes mégalopoles dites “planétaires”. Un éloge de la proximité, en somme.
De vraies îles géographiques constituent le décor (ou le prétexte) d'une palanquée d'autres films. On passera sur la comédie sensément féminine Larguées d'Éloïse Lang (18 avril) réunion de famille à La Réunion avec les Camille Cottin & Chamoux en filles de Miou-Miou pour considérer Albion. Dans À l'heure des souvenirs (4 avril), Ritesh Batra transforme Jim Broadbent en vieux bougon confronté à un legs étrange : le journal intime de la mère de sa première petite amie... que celle-ci refuse de lui remettre. Pourquoi ? Une immersion dans les arcanes abyssales de la mémoire le révèlera au prix de méandres un peu téléphonés, dommage. Mêmes regrets pour Une femme heureuse (25 avril) réalisé par Dominic Savage, mais écrit, produit et interprété par Gemma Arterton. Plombé par une musique affligeante, ce récit douloureux d'une femme au foyer étouffée décidant un beau jour de briser son carcan domestique en franchissant le Channel manque de tonus. Quant à sa seconde partie parisienne, elle tient de la caricature.
Dans l'éther des terres
Le sentiment d'isolement se retrouve aussi au plus profond des terres. Voyez l'excellent Katie Says Goodbye de Wayne Roberts (18 avril), où Olivia Cooke campe une jeune employée du diner d'un patelin perdu en plein désert, faisant des passes afin de réaliser son rêve : devenir esthéticienne à Frisco. Fleur pure éclose au milieu d'un tas de boue desséchée, Katie va subir le pire et cependant offrir le meilleur aux riverains de ce cloaque putride. Un conte intemporel s'achevant sur un plan sublime résumant son héroïne : un éclat de larmes aussitôt balayé par un sourire lumineux.
Le protagoniste de La Route Sauvage de Andrew Haigh (25 avril), semble son être lointain frère de misère. Ado fraîchement débarqué dans l'Oregon, Charley découvre le monde des chevaux de course et s'attache à Lean on Pete, un vieux pur-sang qu'il vole pour traverser le désert. Construit en deux volets clairement dissociés, ce récit initiatique pétri de douleurs est porté par l'espoir de retrouver un havre familial ; grâce à ce but, Charley tanguera mais ne sombrera jamais.
Kings de Deniz Gamze Ergüven (11 avril) présente une autre enclave singulière : la famille de Millie, au sein d'un quartier de Los Angeles au moment des émeutes de 1992 durant le procès des policiers ayant tabassé Rodney King. Rappelant la tension moite et revendicative du Spike Lee de l'époque, filmant l'adolescence avec un regard emprunté à Larry Clarke (en plus soft), ce premier film américain de l'autrice de Mustang se trouve hélas pénalisé par ses têtes d'affiche : Halle Berry et Daniel Craig en prolos du coin, ça le fait moyen. Plus crédible est la trajectoire de Luna (11 avril), une jeune femme s'affranchissant de ses mauvaises fréquentations et d'un passé toxique. Porté par la découverte solaire Laëtitia Clément et Rod Paradot, ce premier long d'Elsa Diringer raconte la lisière des âges, des lieux et des sentiments avec une prometteuse acuité.
Île était une famille
Enfin, parce que la famille reste le premier des archipels — dont il faut apprendre à s'éloigner pour mieux y revenir — on évoquera le réussi Comme des rois (25 avril) de Xabi Molia, sorte de Family Business à la française où Kad Merad en escroc bonimenteur tente d'enrôler son Kacey Mottet Klein de fils, aspirant comédien. Ou Sonate pour Roos (25 avril) de Boudewijn Koole, la visite d'une fille à sa mère pianiste et distante. L'ombre de Bergman pèse évidemment sur ce film aussi froid qu'élégant se déroulant en Norvège. Aucun risque que vous ne vous vous découvriez d'un fil...