L'Innocent : Mon beau-père et moi

Le 12 octobre au cinéma / Ébranlé par le mariage de sa mère avec un ex-truand, un trentenaire s’ingénie à chercher d’éventuelles preuves l’impliquant dans une affaire illicite : grotesque et stupide, son comportement l’entraîne vers l’illégalité. Un régal de comédie policière ayant Lyon comme toile de fond, le mensonge comme carburant, et Louis Garrel comme formidable détonateur.

Abel a l’habitude des excentricités de Sylvie, sa fantasque mère. Mais là… Celle-ci lui annonce qu’elle épouse Michel, un taulard. Particulièrement méfiant, voire soupçonneux, Abel se met à surveiller Michel, qu’il croit voué à la récidive, dès sa levée d’écrou. Pour l’aider dans son entreprise (maladroite) de filature, Abel peut compter sur Clémence, sa meilleure amie, toujours prête à l’aider…

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Un bouche-à-oreille éminemment flatteur bruisse depuis la projection de L’Innocent sur la Croisette, relayé dans tous les festivals où il a été depuis présenté (Lama, Angoulême, Pauillac, Namur, Zurich etc.). Mais comment pourrait-il en être autrement ? Au-delà de la jubilation immédiate procurée par l’histoire ou les situations, ce film irradie de cette grâce indicible, rare et miraculeuse, que dégageaient déjà les précédentes réalisations de Louis Garrel — dont le merveilleux conte environnemental La Croisade (2021), sorti il y a quelques mois à peine et si mal payé en retour.

Parce qu’ils se démarquent chacun par leur forme, par leur sujet, par leur texture même — le grain est ici par exemple beaucoup plus épais, donnant de la “matière” à l’image et des halos aux lumières, dont les teintes rappellent les ambiances rouge-orangé des éclairages à vapeur de sodium habitant les néo-polars crasseux des années 1970-1980 — parce qu’ils pétillent de fantaisie (même lorsqu’ils sont empreints de gravité) et fourmillent d’une envie d’utiliser toutes les possibilités du médium. En cela, ils sont héritiers des bons aspects de ces œuvres du début de la Nouvelle Vague, où les cinéastes cultivaient l’éclectisme comme s’ils craignaient de se laisser vassaliser par un style ou un genre. Poke JLG et Truffaut.

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Éloge du jeu

Seule vraie constante dans ses films : Louis Garrel comme interprète non pas principal mais pivot commun, personnage facilitateur des histoires et au service de ses partenaires : on est loin de ces comédiens se piquant de réalisation pour mieux se placer devant la caméra. Si son naturel fait déjà le bonheur de quantité d’autres films — sauvant parfois des scénarios bancals par ce qu’il instille d’indicible dans ses apparitions —, il accède avec L’Innocent à une nouvelle dimension en créant un irrésistible tête-à-claque gaffeur et attachant, synthèse contemporaine de Léaud, Brialy, Pierre Richard et Belmondo. Un anti-héros, certes, mais qui par contraste valorise l’excentricité adulescente de Sylvie (Anouk Grinberg, idéale en amoureuse totale), la duplicité contrainte de Michel (Roschdy Zem, évoquant Ventura dans La Bonne Année, mais en version malfrat usé aspirant à une retraite bourgeoise) et la passion silencieuse qu’éprouve la fidèle Clémence à son égard — Noémie Merlant, inattendue et à sa place dans cet emploi de rom-com anglo-saxonne. 

La partition de L’Innocent  est — l’expression est choisie à dessein pour qui se fera le cadeau de découvrir le film — un caviar pour des acteurs qui doivent en permanence camper des personnages mentant ou contrefaisant leurs émotions. On pourrait parle de “jeu au carré” ; poussons carrément l’exposant d’un cran en élevant le tout au cube : le jeu se déploie aussi ici dans sa composante purement ludique autant pour les comédiens que pour le public, et avec quel rythme ! Le fait que le co-auteur soit aussi acteur n’y est sans doute pas étranger, et participe de cette indiscutable réussite. Gageons qu’après sa sortie et l’ouverture du festival Lumière, cet Innocent finira les mains (et les poches) pleines.

★★★★☆ De & avec Louis Garrel (Fr., 1h39) avec également Roschdy Zem, Anouk Grinberg, Noémie Merlant…

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