Les films sortis la semaine du 14 décembre 2022

À voir

★★★☆☆Stella est amoureuse 

1985. Après des vacances en Italie entre copines et un premier flirt, Stella entre en terminale dans son lycée de bourges. Et découvre surtout les nuits branchées dans les boîtes parisiennes, là où elle n’est plus ni mineure, ni fille de bistrotiers en banlieue, mais l’éventuelle égérie de quelque mec tendance…

Il n’y a pas que James Cameron qui prenne son temps pour faire des suites : Sylvie Verheyde prolonge en effet ici 14 ans après le parcours de son alter ego Stella — une authentique “Antoine(tte) Doinel”, tant elle s’inspire de son vécu — en opérant toutefois quelques substantielles modifications. Les plus visibles ? Au générique, Benjamin Biolay (alias le père de Stella) est le seul rescapé de la distribution originale ; le style naturaliste un peu trop misérabilisto-cradingue d’antan laisse la place à une esthétique plus composée, davantage en écho à la tentation “chic” de ces années-là. Sur le fond, cette évocation de l’époque des Bains ressuscite avec crédibilité et émotion ce qu’on suppose avoir été cette atmosphère si singulière — en tout cas, mieux que Une jeunesse dorée d’Eva Ionesco —, queue de comète de la Parenthèse enchantée fourmillante de créativité. Autoportrait divergé initiatique saisissant la grâce, la fragilité et la rébellion de l’entrée dans l’âge adulte, Stella est amoureuse rappelle par sa rugosité comme sa justesse Pialat, Mazuy ou Lvovsky des débuts. Outre la magnifique révélation Flavie Delangle, le choix de la B.O. participe de l’exactitude du tableau.

De Sylvie Verheyde (Fr., 1h50) avec Flavie Delangle, Marina Foïs, Benjamin Biolay…


★★★☆☆Ernest et Célestine : le voyage en Charabie 

Catastrophe ! Célestine a cassé le violon d’Ernest et il n’y a que le luthier de son pays d’origine pour le réparer. Malgré la réticence de l’ours, les deux amis se rendent donc en Charabie, et leur surprise est de taille : là-bas, toute musique est prohibée, à l’exception d’une note. Mais une résistance s’est organisée…

Porté par les maîtres-d’œuvres de la série animée télévisée ayant donné le joli programme court Ernest et Célestine en hiver (2017), ce deuxième opus version longue des aventures du duo animalier explore à nouveau la question des obligations imposées aux enfants par les adultes… mais en se focalisant ici sur le personnage de l’ours et ses origines. Où l’on découvre un monde dystopique jusqu’à l’absurde gouverné par un juge revanchard, ainsi qu’une résistance poétique prête à tout pour faire résonner la raison. Terriblement d’actualité, cette histoire permet par la métaphore d’expliquer aux plus-petits certains cahots du monde contemporain. Justifiant la nécessité de s’élever contre, ce film leur confirme que la prédestination n’existe pas : fils de juge ou pas, chacun est libre de s’épanouir dans la voie qui lui plaît. Le message passe d’autant avec les couleurs pastel et l’animation douce. 

De Julien Chheng & Jean-Christophe Roger (Fr., 1h19) animation dès 6 ans avec les voix de Lambert Wilson, Pauline Brunner…


★★★☆☆Les Années Super 8 

Entre 1972 et 1981, le mari de la romancière Annie Ernaux a filmé les siens avec une caméra Super 8, archivant le quotidien et l’intime d’une famille de la classe moyenne supérieure, mais aussi les coulisses de l’œuvre littéraire débutante de l’autrice. Une demi-siècle plus tard, celle-ci pose sa voix sur ces séquences muettes, tissant des liens avec ce qui fut le creuset de ses récits-romans. La boucle est bouclée avec ce livre d’images…

On ne saurait rêver meilleur sens du timing : présenté à Cannes, puis sur Arte juste avant l’attribution du Nobel de littérature à Annie Ernaux, ce documentaire peut se voir (et s’entendre) comme une initiation à son œuvre scripturaire. Son regard, à la fois lucide, attendri, sévère — et naturellement clinique — sur ces images-témoins tient autant du bilan personnel que de l’analyse sociologique : en ces années-là, ces familles lisaient Le Nouvel Obs, allaient au Club Med au Maroc pour les vacances, consommaient et devenaient propriétaires ; croyaient au Grand Soir du Programme commun… Il y a une pointe de culpabilité a posteriori dans le commentaire, histoire de gourmander la naïveté de la Annie d’alors, quelques piques pour affirmer que celle d’aujourd’hui est plus que jamais très à gauche (qui en douterait ?). Ces coquetteries idéologiques font partie intégrante de l’identité Ernaux, autant que ces images et ses écrits. 

Documentaire de Annie Ernaux & David Ernaux-Briot (Fr., 1h03) avec la voix de Annie Ernaux…


★★★☆☆Mon héroïne 

Gamine, Alex vouait déjà une admiration sans borne pour Julia Roberts. Des années plus tard, alors qu’elle ambitionne de devenir réalisatrice, elle décide sur un coup de tête de partir à New York soumettre un scénario à la star. Escortée par sa tante et sa mère, arrivera-t-elle à réaliser son rêve ? 

Un bel exemple d’auto-réflexivité que ce film parti d’une ambition personnelle sincère et viscérale, transmutant une histoire vraie en comédie “à l’américaine”. Romançant à juste dose pour ne pas tomber dans l’excès — quitte à sabrer des anecdotes authentiques mais bigger than life comme l’on dit outre-Atlantique —, Noémie Lefort bénéficie pour exécuter sa partition un trio rythmé d’actrices : la jeune Chloé Jouannet, la toujours juste Pascale Arbillot et la (de plus en plus remarquée) Louise Coldefy. Évoquant par certains aspects À la recherche de Garbo (1984) de Lumet, en plus joyeux, cette comédie à suspense se trouve un épilogue malin en forme de conte de fées. Préparez vos mouchoirs.

De Noémie Lefort  (Fr., 1h48) avec Chloé Jouannet, Pascale Arbillot, Louise Coldefy…


★★★☆☆In viaggio

Élu voilà bientôt dix ans évêque de Rome, c’est-à-dire pape sous le nom de François, le Jésuite Jorge Mario Bergoglio a placé son pontificat sous le signe d’une plus grande transparence des affaires de l’Église, rappelant les dignitaires et leurs ouailles à leurs obligations de chrétiens telles qu’énoncées dans la Bible. Sans être d’une modernité absolue (il lui reste du chemin à parcourir sur la voie du progressisme, notamment quant à la question du droit des femmes à disposer de leur corps), François a fait bouger quelques lignes. Et, à l’instar de ses prédécesseurs, avalé les kilomètres autour de la planète. Sans doute est-ce parce qu’il a consacré son premier voyage officiel à Lampedusa et un discours à l’accueil des migrants que Gianfranco Rosi (auteur de Fuocoammare) a choisi s’intéresser à ce pèlerin. Moins sirupeux que l’hagiographie de Wenders sur le même sujet, ce film de montage sélectionne des instants d’humanité de l’ecclésiastique. Ceux où il morigène les prélats pédocriminels, où il faillit en gestes ou en paroles (avant de faire amende honorable), où il se montre proche du peuple et non reclus dans sa “bulle” papale, si l’on ose. Pas de voix-off, de l’image brute et un regard plutôt bienveillant.

Documentaire de Gianfranco Rosi (It., 1h19) avec Jorge Mario Bergoglio


On s’en contente

★★☆☆☆Corsage 

Impératrice d’Autriche et reine de Hongrie à l’aube de ses quarante ans, Sissi s’ennuie. Réduite à un rôle protocolaire de potiche, hantée par la mort de sa fille aînée, obsédée par sa taille de guêpe qui la contraint à s’affamer, elle ne trouve de guère fantaisie que dans la compagnie de son cousin Ludwig…

Avouons-le : on aurait bien aimé apprécier ce nouveau regard sur Sissi, figure historique à maintes reprises déjà saisie par le 7e Art. Encore eût-il fallu comprendre l’intention ou le projet de Marie Kreutzer dans ce pseudo-biopic maniéré et conceptuel où la réalisatrice fait œuvre de “déconstruction” en empilant ostensiblement les anachronismes à l’image : décors vides et décrépits, appareils électriques du XXIe siècle, postiches, doigt d’honneur à la cour… Loin du clin d’œil simili punk que constituait la présence d’une paire de baskets dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola (2005), le systématisme du procédé trahi soit une production fauchée qui a renoncé à toute idée de raccord, soit la pauvre idée — métaphorisée ad nauseam — que Sissi l’opprimée est quelque part une femme d’aujourd’hui. On croirait ces audaces de la fin des années 1960, en version réchauffée et périmée. Et l’on en oublie le destin tragique de Sissi, victime collatérale de cette tentative. À se demander si les viennoiseries de Marischka ne sont pas moins indigestes.

De Marie Kreutzer (Aut.-Fr.-Lux.-All., 1h53) avec Vicky Krieps, Florian Teichtmeister, Katharina Lorenz…

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