Les films à voir en salles le mercredi 15 mars

À voir

★★★☆☆ Sage-Homme 

Recalé au concours d’entrée en médecine, Léopold se replie de mauvaise grâce sur une place en école de sage-femme sans le dire à ses proches. Seul garçon de sa promo, il va peu à peu découvrir l’intérêt de ce métier grâce au mentorat de Nathalie qui, sous ses airs abrupts, s’avère une grande pro et pédagogue.

Quasiment genre en soi depuis les séries Urgences et The Kingdom, la “fiction hospitalière” n’avait pas encore investi l’univers de la néo-natalité. Un oubli d’autant plus étonnant qu’elle permet de traiter de front des questions sanitaires et humaines sur un mode radicalement différent, tout en ouvrant à de vastes problématiques : les préjugés professionnels, l’assignation de certains emplois aux seules femmes, l’absence de reconnaissance pour les métiers du lien et du soin — indispensables pansements des souffrances humaines… En mettant en scène un jeune homme (issu de surcroît d’une famille TRÈS masculine) en situation minoritaire, Jennifer Devoldere accentue avec finesse la perception du déséquilibre et pousse à interroger de manière plus large des disparités de société considérées comme acquises. Dans ce cadre très en écho avec l’actualité, l’histoire de Léopold suit le sillon classique (mais efficace) d’un roman d’apprentissage, cahots compris, et offre une belle collection de tranches de vie du cocasse au dramatique. Semblant née pour ce type de rôle, Karin Viard marraine avec ce qu’il faut de rudesse bienveillante Melvin Boomer pour son baptême de grand écran. Il ne pouvait rêver meilleurs auspices.

De Jennifer Devoldere (Fr., 1h40) avec Karin Viard, Melvin Boomer, Steve Tientcheu


★★★☆☆ Toute la beauté et le sang versé 

Photographe réputée, survivante à bien égards, Nan Goldin est aujourd’hui en première ligne dans le combat contre les ravages causés par les opiacés — et donc l’industrie pharmaceutique — aux États-Unis. Suivant son engagement, Laura Poitras en profite pour lui faire retracer son parcours artistico-personnel, qui trouve (peut-être) son origine dans le destin de sa sœur, homosexuelle réprimée et suicidée…

Il est fréquent que des documentaires développant un discours politique marqué se retrouvent à concourir en festival ; pas étonnant donc de les voir plébiscités au palmarès par un jury soucieux de mettre l’accent sur telle ou telle problématique sociétale. En décernant le Lion d’Or au film de Laura Poitras, Julianne Moore et ses jurés ont fait au moins coup double. Ils saluent d’abord la démarche militante et la persévérance de Nan Goldin dont les actions ont permis, sans violence, de mettre la famille des Sackler face à leurs responsabilités. Comment ? En associant leur nom non plus à des œuvres de charité valorisantes dans les musées, mais bien à l’origine de leur fortune, tout droit venue de la vente “légale“ des opiacées. Le Lion d’Or célèbre ensuite, à travers l’œuvre photographique de Nan Goldin ici feuilletée, la mémoire des victimes des années sida, des femmes outragées, des gens de la marge et des undergrounds ; bref, de tous ceux que l’Amérique ne veut pas montrer ou dont elle a honte, ces macchabées loin des projecteurs d’Hollywood. Toute la beauté et le sang versé ne révolutionne certes pas l’écriture cinématographique, mais il a le mérite de mettre en lumière quelques refoulés étasuniens. Malheureusement, il ne sera guère vu par les principaux concernés, zombifiés par la drogue et la misère.

Documentaire de Laura Poitras (É.-U., 1h57) avec Nan Goldin…


★★★☆☆ La Chambre des merveilles 

Le monde de Thelma s’effondre lorsque Louis, jeune ado de cette mère célibataire, est victime d’un accident qui le plonge dans un coma profond. Découvrant un cahier où il a inscrit une liste de vœux à accomplir, Thelma s’emploie à les réaliser un par un, y compris les plus fous…

S’emparant d’un argument de mélo à l’issue incertain et prompt à arracher des larmes à la lande d’Écosse, Lisa Azuelos tisse une variation lumineuse d’une “bucket list“ (ou “liste de mes envies“) autour de son thème de prédilection : l’attachement inconditionnel mère-enfant. Mis à l’épreuve par les bouleversements de l’adolescence (Lol), le syndrome du nid vide (Mon bébé) et à présent la peur de la perte définitive. Construit comme un jeu de piste — ou un jeu vidéo progressant vers le boss final — où le prix se trouve conditionné par des facteurs objectivement irrationnels (l’amour, la croyance magique…) mais que chacun partage, La Chambre des merveilles est un film-consolation préférant aux facilités crapuleuses du tire-larme le merveilleux du conte et une combativité très ancrée dans la réalité sociétale des femmes. Est-il besoin de préciser qu’Alexandra Lamy est une figure parfaite pour habiter cette reconstruction maternelle ? On le fait quand même.

De Lisa Azuelos (Fr., 1h38) avec Alexandra Lamy, Muriel Robin, Xavier Lacaille…


★★★☆☆ Houria 

Algérie, de nos jours. Après une agression qui la laisse traumatisée, lui fait perdre l’usage de la parole et compromet son rêve d’accéder à une carrière prestigieuse, une jeune danseuse prénommée Houria monte un spectacle chorégraphique avec des femmes tout aussi cabossées qu’elle…

De la résilience personnelle comme catalyseur d’une résilience collective et, au-delà, de la résilience d’une nation ? Sans être la suite de Papicha (2019) — il ne crée pas la même surprise, propre aux premiers films, ni ne révèle Lyna Khoudri, son interprète principale à présent sur tous les écrans — Houria parle à nouveau de l’émancipation contrariée des femmes algériennes, confrontées ici à une somme d’obstacles plus ou moins matériels :  l’absence de perspectives sur place, l’apathie des autorités face à d’anciens criminels amnistiés. Métaphore d’un pays blessé qui cherche à se reconstruire, le corps de Houria se relève avec rage et s’exprime sans mot : par l’art. N’empêche qu’il demeure fragilisé et que sa composante masculine n’apparaît pas souvent en première ligne…

De Mounia Meddour (Fr.-Bel.-Alg., 1h38) avec Lyna Khoudri, Amira Hilda Douaouda, Rachida Brakni…


★★★☆☆ Un Varón 

Bogotá, aux abords de Noël. Hébergé dans un foyer, le frêle Carlos tente de se faire une place parmi les affranchis du quartier en dealant de-ci de-là. S’il tente de contrefaire la hargne des cadors des rues, il ne trompe personne ; et tout le renvoie à la misère de sa situation personnelle…

Un film entre documentaire et fiction, tel une longue errance qui dépasserait le cadre du quartier où déambule Carlos. Avec sa physionomie d’adolescent androgyne, le jeune homme bouge sans cesse comme s’il matérialisait — outre un sentiment d’insécurité — l’incertitude de son identité actuelle : plus vraiment ado (alors qu’il aspire à être aux côtés de sa mère) ; pas encore “homme“, dans le sens le plus viril du terme (alors qu’il feint d’en reprendre tous les codes et mimiques pour espérer se frayer une place au sein du groupe dominant). Plutôt désespérant et désespéré quant à l’état de santé de la population et de la sécurité colombiennes…

De Fabián Hernández (Col.-Fr.-P.-B.-All., 1h22) avec Felipe Ramirez…

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