La nouvelle Eve numérique
Osons l'hypothèse : en 2007, le numérique a définitivement triomphé de la pellicule ! Et il faut tout le génie de Quentin Tarantino pour oser, dans son sublime Boulevard de la mort, rendre hommage à ces copies crados, voilées, abîmées, que la future projection numérique HD va faire disparaître... Mais il n'y a qu'à regarder le programme de cette fête du cinéma pour constater que les meilleurs films à l'affiche ont tous été tournés avec divers supports numériques : DV pour INLAND EMPIRE, HDV pour L'Avocat de la terreur, HD pour Still life, et pur cinéma numérique pour Zodiac. Justement, cette pluralité de supports, comparable aux différences entre 16, 35 et 70mm, traduit autant de voies d'explorations possibles pour un cinéma contemporain. Reprise de l'héritage documentaire dans une forme plus ample et adaptée à la mondialisation des enjeux politiques (L'Avocat de la terreur et son incroyable tour du monde du terrorisme) ; cinéma de l'imaginaire pur, partiellement improvisé avec la caméra, directement connecté sur le cortex du metteur en scène (INLAND EMPIRE) ; néo-néo-réalisme permettant d'explorer des territoires cinématographiquement vierges (Still life) ; et enfin réinvention par la technologie contemporaine d'une histoire des images contaminée par des bugs narratifs anachroniques (Zodiac, qui se réfère explicitement au cinéma des 70's mais qui y fait entrer en contrebande une incertitude très actuelle). Plusieurs formats, plusieurs esthétiques, plusieurs projets de cinéma, auxquels il faut rajouter la suprématie de la 3D sur l'animation traditionnelle et l'apparition d'un cinéma de l'intime dont Alain Cavalier est le pionnier et le maître... CHRISTOPHE CHABERT