Le prestige de l'uniformité
Les grands films de cette fin de saison le confirment : le cinéma n'a rien à gagner à se chercher de la noblesse culturelle, et il n'est véritablement intéressant que quand il affiche une fermeté conceptuelle associée à un plaisir ludique de la narration en images. Le problème, c'est que ce cinéma-là ne possède aujourd'hui que peu de relais médiatiques, sinon quelques geeks furieux sur internet. À l'inverse, n'importe quel canard popu s'extasiera en long en large et en travers sur un pudding à vedettes déjà ultra-vendu par les grandes chaînes télé ; et pour ce qui est du cinéma "d'auteur", une première ligne de bataillons critiques est prête à en assurer la défense jusqu'à la mort physique, quitte à traiter tous ceux qui émettraient des réserves dessus de fascistes réactionnaires. Bref, c'est droite contre gauche dans un remake pitoyable d'un film politique déjà pas fameux. Mais il y a peut-être encore pire ! La naissance d'un standard international du film culturel de prestige, facile d'accès sur la forme, pédagogique sur le fond, même si on ne s'y gène pas pour couper les cheveux en quatre. Le triomphe mondial de La Vie des Autres en est l'exemple flagrant : en plus d'un thriller bien mené, le film propose un vrai dossier thèse/antithèse/synthèse sur la RDA et la STASI, ce qui, aux yeux de tous, en fait beaucoup plus qu'un bon petit thriller d'espionnage. C'est dommage, car s'il y a justement quelque chose de réussi dans La Vie des Autres, ce n'est pas son discours politique tiédasse et confortable pour lecteurs de Télérama, c'est bien au contraire la peinture méticuleuse d'un professionnel compétent qui a mis son savoir-faire entre les mains des criminels communistes. On aurait aimé que le film aille fouiller là , vers cette idée que le travail n'est pas une valeur, mais l'instrument préféré des idéologies et des manipulations. Cela s'appelle lancer un débat plutôt que de chercher le consensus, ce que ce film "d'ouverture" ne fait jamais...CC