Black snake moan
de Craig Brewer (ÉU, 1h56) avec Samuel L. Jackson, Christina Ricci...
Repéré avec un premier film réussi sur le monde du rap (Hustle and flow), Craig Brewer confirme largement son talent avec ce Black snake moan, fausse série B derrière laquelle se cache un projet beaucoup plus ambitieux. La rencontre entre Lazarus, vieux bluesman au cœur brisé par le départ de sa femme, et Rae, jeune nymphomane agressée un soir par le meilleur ami de son petit copain parti à l'armée, débouche sur une situation pour le moins glauque : il l'attache à un radiateur, bien décidé à lui faire passer le diable au corps. Dans ce Sud profond des États-Unis, sexe et religion ne font pas forcément bon ménage, mais Brewer ne cherche ni à condamner ses protagonistes, ni à tomber dans le pamphlet ironique. Au contraire, et c'est le vrai tour de force du film, il va travailler à apaiser patiemment le conflit pour créer un lien autrement plus puissant entre Rae et Lazarus. Ce lien, il le trouve dans le blues, cette musique dont la légende dit qu'elle a été créée suite à un pacte faustien. Renversement complet de perspective ici : c'est elle qui sauve, guide vers l'acceptation et le respect, et surtout permet aux êtres de reconquérir leur amour-propre. C'est grâce au blues que Lazarus exsude son envie de revanche et sa culpabilité et que Rae exorcise son trauma originel. Toujours surprenant, excellemment écrit et dirigé, fort bien incarné par le duo Jackson/Ricci (même Justin Timberlake y est très bien !), Black snake moan finit par ressembler sur un mode mineur, par la complexité de ses personnages et la beauté de sa réalisation, aux grandes œuvres mélodramatiques de Minelli. Bref, malgré sa sortie quelque peu confidentielle, c'est loin d'être un «petit» film...CC