Azul

Mercredi 7 mars 2007

de Daniel Sánchez Arévalo (Esp, 1h45) avec Quim Gutiérrez, Marta Etura...

Premier film d'une stupéfiante maîtrise scénaristique et artistique, Azul s'empare de plusieurs sujets graves et les traite avec une étonnante légèreté de trait. Jorge s'occupe de son père grabataire après une attaque cardiaque, dont il a repris le job de gardien d'immeuble tout en essayant de se faire embaucher chez les costards cravates du marketing madrilène. Son frangin dealer purge une peine de prison et s'entiche d'une prostituée qui cherche à tomber enceinte pour être transférée dans le service maternité. Sa copine d'enfance, et plus si affinités, revient d'Allemagne avec l'âme de la winneuse qui compte bien prendre l'ascenseur social. Son meilleur pote découvre que son père s'adonne aux relations tarifées avec le masseur sexy d'en face, ce qui n'est pas sans réveiller ses propres penchants homosexuels. La ronde étourdissante du film continue jusqu'au bout : le frère est stérile, il sort de prison, tente de récupérer la pension du père, etc. Pas de temps morts narratifs durant ces 105 minutes, ce qui permet au réalisateur de ne jamais souligner ses enjeux thématiques : comment rester soi-même dans une société libérale qui veille à gommer les différences (le titre original, qu'on peut traduire en Bleu foncé presque noir, renvoie au costume/uniforme que Jorge rêve de se payer pour réussir ses entretiens d'embauche) ? Et surtout, comment trouver sa juste place sociale, affective et sexuelle dans un monde qui vous somme de rentrer dans le rang ? Le brio de l'écriture et de la réalisation pèche presque par excès de zèle, mais ne vient pas freiner l'euphorie ressentie devant un film qui ressemble à l'idée (fausse ?) que l'on se fait de l'Espagne actuelle, où il a connu un gros succès : un pays vif, joyeux et néanmoins très politisé !Christophe Chabert