Hollywoodland

Mercredi 17 janvier 2007

S'il prend un soin maniéré à reconstituer l'ambiance hollywoodienne des années 50 au détriment de sa narration, le film d'Allen Coulter surprend en offrant un miroir peu reluisant, et relativement osé, à un étonnant Ben Affleck.François Cau

L'école HBO n'en finit plus de jeter ses élèves en pâture à son "ennemi" hollywoodien. Réalisateur de quelques-uns des meilleurs épisodes de Six Feet Under, Rome ou Les Sopranos, Allen Coulter pousse le vice jusqu'à truffer son casting de têtes connues des aficionados de Deadwood, et à calquer sa mise en scène sur le cahier des charges des séries phares de la chaîne câblée. Une retenue narrative aux airs faussement classiques, où des scènes filmées de façon a priori anodine peuvent littéralement exploser en charges émotionnelles. Un traitement pour le moins approprié pour l'histoire présentée ici : l'enquête suivant la mort ambiguë de George Reeves, interprète falot de la vieille série consacrée aux aventures kitsch à souhait de Superman. Face à de flagrantes incohérences policières et procédurales, la thèse du suicide est vite écartée par un privé (Adrien Brody) engagé par la mère de Reeves. L'occasion de plonger dans les affres interlopes de l'entertainment hollywoodien, dont la carrière ratée de George Reeves se fait la métaphore peu enviable.Un avion ? Un oiseau ? Une fusée ? Non, Ben AffleckLe récit d'Hollywoodland superpose l'enquête de Louis Simo aux flashbacks retraçant les éléments clés qui auraient mené George Reeves à sa perte. Ces allers et venues nous dévoilent la sempiternelle vision glamour du Los Angeles des fifties, avec ce vernis un rien craquelé par les errances des puissants. Le modèle inévitable ? Le quatuor de Los Angeles du grand James Ellroy, qui mieux que quiconque a su tutoyer avec brio toute l'ambivalence et la superbe de cette glorieuse époque. Le faste insolent de la reconstitution, la malice à jouer avec l'envers du décor et une poignée de références historiques clés font écho à l'œuvre du maître du polar, ou plutôt à son meilleur pendant cinématographique, LA Confidential. À l'instar du film de Curtis Hanson, les zones d'ombre sont esquissées, suggérées pour ne pas trop entacher le charme rétro de l'ensemble, clichés immuables à l'appui. La véritable surprise vient des séquences mettant en scène George Reeves, et de son comédien, Ben Affleck, qu'on aura jamais vu autant synchrone avec son personnage. D'une humilité presque douloureuse, il canalise tout l'intérêt du film et finit par l'élever un cran au-dessus de la simple vignette vers laquelle il se dirigeait. On peut s'amuser à relever les comparaisons entre les carrières des deux acteurs, mais on reste surtout ému par cette belle étude de caractère, dotée d'une interprétation plus que convaincante. Hollywoodlandd'Allen Coulter (ÉU, 2h06) avec Adrien Brody, Diane Lane, Ben Affleck...