Une grande année

Mercredi 17 janvier 2007

Loin d'être un grand film, «Une grande année» témoigne en tout cas d'une certaine santé de la part de son réalisateur, Ridley Scott, qui emballe avec fraîcheur cette comédie romantique.Christophe Chabert

Au jugement critique dernier, il y a de fortes chances que Ridley Scott reste dans les annales comme le grand cinéaste ayant commis le plus de nanars dans toute sa carrière. On se souvient de sa traversée du désert pendant les années 90 (1492, GI Jane ou Lame de fond), mais même après son brillant comeback avec Gladiator, il a commis une insupportable comédie avec Nicolas Cage (Les Associés) ; quant à Hannibal, on peut défendre son côté farce gore, mais l'affaire est quand même sur la corde raide entre pastiche assumé et grotesque involontaire. Les échos concernant Une grande année étaient à peu près du même ordre : signée sur un coin de table un soir de picole, l'adaptation du livre de Peter Mayle a en effet été tournée en un temps record, Scott et Russell Crowe profitant de l'été français pour mettre en boîte cette comédie sur un trader anglais découvrant la vraie vie quand il hérite du domaine provençal de son once clamsé. Les deux se sont d'ailleurs remis dans la foulée à un projet autrement plus sérieux (American gangster).Vacances provençalesMais contre toute attente, et peut-être grâce à cette rapidité d'exécution, le film n'est pas la cata annoncée ; au contraire, il se laisse voir avec un certain plaisir. Ses faiblesses évidentes sont même compensées quand, au milieu du film, un court dialogue semble venir excuser ces défauts : «Qu'est-ce qui est important dans la comédie ? Le timing !», dit Albert Finney. C'est souvent ce qui manque à Ridley Scott, le sens du timing, l'obligeant à des contorsions avec sa caméra, à surdécouper certaines séquences ou à utiliser de grossiers effets visuels pour faire exister un gag pas forcément hilarant sur le papier. Si Scott ne maîtrise pas toujours ce rythme de comédie à l'intérieur des scènes, il sait en revanche emballer son récit. Particulièrement bien écrit, Une grande année est porté par une énergie évidente et sincère, largement relayée par le jeu volontariste des acteurs (Crowe en tête, mais aussi Didier Bourdon ou Gilles Gaston-Dreyfuss). La sincérité du projet apparaît aussi dans ses nombreux clins d'œil à une cinéphilie sauvage, comme cette partie de tennis en accéléré arbitrée par le chien Tati, où ces images fugitives de Bardot nue dans Et Dieu créa la femme, manière pour le cinéaste de signifier que sa passion pour la France est autant liée à ses images mythiques qu'à sa réalité d'aujourd'hui. Ainsi, le portrait de cette Provence éternelle peut paraître cliché, mais elle peut tout autant passer pour une convention très cinégénique. Après ce film-monstre qu'était Kingdom of heaven (dont la version longue est un sacré morceau, impressionnante mais encore plus âpre à digérer que l'originale tronquée), Scott s'est pour ainsi dire offert des vacances. La fraîcheur contagieuse du résultat laisse à penser qu'elles furent loin d'être désagréables...Une grande annéede Ridley Scott (ÉU, 1h58) avec Russell Crowe, Albert Finney...