Le Pacte du Sang
Benoîtement, Renny Harlin rejoignait le panthéon vaguement glorieux des rÉalisateurs de nanars hargneux. Mais Hollywood dicte désormais sa loi : même les sales gosses se voient forcés d'endiguer leur soif de n'importe quoi. FC

Photo : Gaumont Columbia Tristar Films
Mais quelle déception. Chez les cinéphiles les plus atrophiés du bulbe rachidien (je me compte dedans, ça va sans dire), il subsistait encore un maigre doute quant aux velléités "artistiques" de Renny Harlin. Après les fours successifs de Au Revoir, À Jamais et de L'ÃŽle aux Pirates, notre homme s'est vu confier la réalisation d'œuvres délibérément bis (Peur Bleue, Driven et Profession Profiler), où il acculait le désir d'entertainment de ses spectateurs dans ses dernières extrémités. Avec l'habileté cinématographiquement ordurière qui lui est coutumière, il nous faisait passer des vessies scénaristiques vieilles comme les premiers Hitchcocks pour des lanternes modernes, et mettait sa simili virtuosité au service de séquences toutes plus absurdes les unes que les autres (voir Driven, combat rhétorique permanent entre l'exacerbation de l'amitié virile et la dialectique rugueuse des tôles froissées). Une implosion thématique qui devait atteindre son apogée dans l'ineffable L'Exorciste : au Commencement, incroyable catastrophe artistique magnifiée par un quart d'heure final filmé sous LSD (avec un climax plus drôle que les deux derniers Scary Movie réunis). Derrière ces spectaculaires plantages se dessinait apparemment le dessein revanchard d'un metteur en scène frustré, expédiant ses récits avec un manque de grâce confinant au sublime.Boys, boys, boysQuand on découvrit le trailer du Pacte du Sang, avec son atmosphère de Dangereuse Alliance revisité à la sauce métrosexuelle, on jubilait d'avance, avec le sourire narquois caractéristique de l'amateur de nanars s'apprêtant à savourer jusqu'à la lie son nectar favori. Malheureusement, en dehors de deux répliques cultes destinées à être trahies par la Version Française («Harry Potter can kiss my ass», l'intraduisible «I'll make you my wi-atch»), et de scènes d'action grotesques (toutes déjà vues dans la bande-annonce), l'exaltation bis tant attendue cède place au seul cynisme opportuniste de la démarche. Réalisé sans aucun écart pour satisfaire le plus large public, Le Pacte du Sang nous dévoile une bande de minets huilés, pour la plupart campés par d'anciens mannequins. Des bons aryens, tout marcel dehors, se dépatouillant au sein d'une intrigue convenue, bien sûr, mais dont le traitement affligeant suscite l'interrogation. Entre deux séquences poseuses, Renny Harlin meuble en délaissant son identité visuelle borderline. Aveu d'impuissance, pause mainstream avant de pouvoir de nouveau péter les plombs en filmant n'importe quoi n'importe comment ? Pire : et si les sursauts esthétiques risibles de ses films précédents n'étaient pas des majeurs tendus à la face des studios, mais de simples témoignages d'une incompétence irrémédiable, dissimulée derrière des effets putassiers ? On n'ose le croire. Le pacte du sangDe Renny Harlin (EU, 1h37) avec Steven Strait, Laura Ramsey...