L'héritage d'Altman
Influence / Séries télés, fictions polyphoniques et nouveau cinéma politique : tous paient leur tribut au cinéma de Robert Altman.CC
Autocritique de l'AmériqueDans Good night, and good luck., George Clooney montre comment une petite équipe de télévision se serre les coudes pour que son présentateur vedette puisse affronter le sénateur McCarthy à l'antenne. Allers-retours constants entre privé et public entrecoupés par des interludes avec une chanteuse de jazz, dressant via un microcosme la situation et les impasses du pays tout entier : Good night, and good luck. est un film de Robert Altman... C'est d'ailleurs tout le renouveau du cinéma politique américain qui s'inspire des leçons du cinéaste : Jarhead est une version neuneu de la comédie militaire inventée par Altman avec M.A.S.H.... Mais c'est Steven Soderbergh qui pique le plus régulièrement dans l'assiette du cinéaste, même ses plus mauvaises recettes (voir la purge Full frontal, sorte de Short Cuts tout pourri).Récits multiplesSoderbergh a ainsi, avec Traffic, fait du Altman pour les nuls. Le film est brillant pour d'autres raisons, mais sa manière d'orchestrer sa fiction chorale en fléchant sans arrêt le parcours et en bouclant tous les fils témoigne d'une digestion narrative qui a depuis fait des émules (voir le catastrophique Syriana). Le film-choral est dans le vent : Iñarritu a fait toute sa réputation sur ce principe ; la semaine dernière encore, Richard Linklater nous offrait son Altman light avec Fast food nation. Paul Thomas Anderson fut plus inspiré avec Boogie Nights et Magnolia, puisqu'il racontait son récit multiple avec une caméra piquée chez Scorsese, mais au service de ses propres obsessions.Altman en sériesCela dit, les fictions chorales ultimes, ce sont bien sûr les séries américaines. L'ombre d'Altman plane au-dessus de la production récente : notamment dans Les Sopranos, qui font d'entrée la peau au glamour des films de mafia, pour plonger son action dans les affres réalistes d'une famille ordinaire dont le chef est, par ailleurs, un ponte de la petite pègre du New-Jersey, loin des affranchis flamboyants de Scorsese. Quant à Deadwood, il doit énormément à John McCabe, par sa vision réaliste de la conquête de l'Ouest, où les personnages n'ont pas l'ambition de promouvoir la grandeur de la nation, mais juste de faire tourner leur petit commerce.