Réussir ou mourir

Mercredi 1 mars 2006

Sans grande saveur, cette vraie-fausse biographie de la star du gangsta-rap new-yorkais 50 Cent, signée Jim Sheridan, ne dévie pas d'un iota des archétypes du genre. Damien Grimbert

De son vrai nom Curtis Jackson, 50 Cent est sans doute l'incarnation ultime du gangsta-rap. Adolescence sans parents passée à dealer du crack, allers-retours en prison, début de carrière underground, puis succès international sous l'égide d'Eminem et de Dr Dre avec deux albums (Get rich or die tryin' en 2003, et The Massacre l'an passé) qui se vendent par millions. À l'origine de ce basculement vers la célébrité, deux faits d'armes : en 1999, le rappeur sort le morceau How to rob, dans lequel il nargue avec morgue la plupart des ténors du genre. Un an plus tard, il essuie 9 coups de feu, dont un en plein visage au cours d'une fusillade et revient sur le devant de la scène après quelques mois de convalescence. Avec un tel parcours, on comprend sans trop de problème la fébrilité des producteurs à l'idée de tirer un film de son histoire, interprétée par le rappeur lui-même dans le rôle-titre, bien entendu. Mais à la différence de l'atypique Hustle & Flow (dernière production estampillée hip-hop en date) qui s'attachait à la rédemption musicale d'un mac fauché de 40 ans dans le Tennessee, Réussir ou mourir reste profondément ancré dans la mythologie gangsta classique, où la musique dépasse rarement le statut de faire-valoir."La seule excuse valable pour être fauché est d'être en tôle"Respect de la famille, orgueil, sens de l'honneur, enrichissement rapide, flambe, fusillades, trahisons, arrachages de dents en or à la tenaille... Tous les clichés afférents au genre, déjà surexploités dans une flopée de films lors de la précédente décennie, sont ici présents et greffés sur le traditionnel schéma ascension-déchéance-phase de doute-reconquête. Quitte à prendre quelques distances avec le parcours réel du rappeur, un poil plus complexe. Peu de surprises, donc, en ce qui concerne le scénario, plutôt bien torché par Terence Winter (auteur de plusieurs épisodes des Sopranos) mais dénué de la moindre originalité. Même constat pour la prestation de 50 Cent, qui se borne ici à reproduire les gimmicks récurrents qui ont fait son succès : mutisme, regards noirs, et occasionnels froncements de sourcil quand le besoin s'en fait sentir. Mais le principal défaut du film se situe ailleurs, dans l'impasse faite par le cinéaste Jim Sheridan sur les deux seuls éléments qui auraient permis au métrage de se différencier de la masse de ghetto movies déjà produits. La dimension musicale d'une part, ici à peine esquissée, mais surtout un regard un tant soit peu nuancé sur le phénomène du gangsta-rap, ce versant ambigu au possible du rêve américain que le réalisateur s'abstient bien d'interroger. Au même titre que la proximité des valeurs de 50 Cent et de George Bush, dont le rappeur déclarait récemment vouloir "serrer la main, et lui dire à quel point je me reconnais en lui".