L'Exorcisme d'Emily Rose
de Scott Derrickson (EU, 1h59) avec Laura Linney, Tom Wilkinson, Jennifer Carpenter...
Au regard des récentes tentatives de "films paranormaux", oscillant entre dérision envers le genre et crédulité à l'encontre de leurs bondieuseries morbides, on pouvait craindre le pire avec cet Exorcisme d'Emily Rose. Mais plus qu'un film fantastique, on est surtout ici face à un film de procès ; du coup, "l'histoire vraie" dont il s'inspire (un prêtre pratique un exorcisme raté qui conduit à la mort de la "possédée") est traitée avec une rigueur méticuleuse qui ménage équitablement les faits et leur interprétation. Chaque séquence est ainsi commentée de deux manières différentes : l'une est celle du classique film d'horreur (c'est parfois vraiment effrayant, Scott Derrickson affichant de surcroît quelques louables références, Argento notamment) ; l'autre est la voix de la raison, la parole de l'expert, l'analyse lucide et les pieds sur terre. Modestement, c'est une petite leçon de mise en scène (y croire ou ne pas y croire, tel est le contrat de base du spectateur envers l'écran) qui est délivrée ici. Finalement, le film laisse la justice trancher (dans le bon sens, heureusement) et s'y plie malgré quelques clichés faciles (le réveil qui s'arrête, les ombres menaçantes...). Surtout L'Exorcisme d'Emily Rose s'avère authentiquement prenant, par son réalisme glacial (l'Amérique qu'elle est décrite paraît étrangement froide et désincarnée, plongée dans un hiver éternel et déprimant) et sa précision clinique. Cette bonne surprise est aussi une confirmation : la belle prestance de Laura Linney, actrice épatante qui, depuis Love Actually et Mystic River, démontre sa capacité à se fondre dans des rôles et des univers d'une remarquable diversité.Christophe Chabert