Films d'art et de (tubes à) essai

Mercredi 30 novembre 2005

Déjà 19 ans que la MJC d'Oullins essaye de faire découvrir au grand public les vertus du cinéma scientifique ! Et l'engouement récent pour le documentaire a encore prouvé la validité d'À nous de voir, un festival aux paris surprenants...CC

Modeste critique cinématographique habitué à gloser sur des fictions distribuées en salles, on se sent un peu paumé quand on pousse la porte de la programmation d'À nous de voir, festival du cinéma scientifique d'Oullins. Et on suppose que la plupart des spectateurs risquent eux aussi d'être désarçonnés face à ces programmes pédagogiquement disposés en thèmes regroupant des œuvres pour la plupart confidentielles. Produits pour la plupart par et pour la télévision, ils bénéficient ici d'une exposition exceptionnelle, avec quelques films "connus" pour servir de locomotives et une grande nuit de la science-fiction en guise de cerise sur le gâteau (avec les deux versions de La Guerre des mondes, celle, bricolée par Byron Haskin en 1954 et celle, géniale, de Spielberg).Le normal et le pathologique
En marge de la sélection de films récents et de la compétition, l'axe choisi pour structurer cette édition renvoie aux recherches de deux grands philosophes, Michel Foucault et Georges Canguilhem. Chaque section interroge ainsi la question de la norme et de la normalité : des transformations du corps à celles de la médecine, c'est un vaste champ d'investigations que le festival défriche avec le concours d'invités venus apporter leur connaissance sur ses sujets. L'un de ces axes est riche en grands films : consacré à la psychiatrie, il permet de redécouvrir l'incroyable film de Raymond Depardon, San Clemente, regard en noir et blanc sur un asile italien aux méthodes atypiques. Laissant s'épanouir les gestes et la parole des patients, Depardon réalise un film où la tragédie et la comédie sont indissociables, découverte d'un espace qui surpasse en étrangeté bien des fictions. Sur le même sujet, le festival propose un film exhumé cette année sur les écrans français après plus de 30 ans dans les tiroirs : Le Moindre geste, réalisé par l'éducateur Fernand Deligny en 1962 autour d'un de ses patients qu'il transforme en héros de cinéma après qu'il soit sorti de son mutisme. Le film sera monté 9 ans plus tard et s'avère absolument singulier, ni documentaire ni fiction mais, selon son auteur, "expérience". Expérience que le festival incite à mettre en parallèle avec un film sur La Colifata, projet thérapeutique argentin où des malades internés créent leur propre radio. Dernier acte de cet étonnant parcours, un film du regretté Jean-Daniel Pollet, L'Ordre, qui évoque la vie douloureuse de Raimondakis, un ancien lépreux exilé, comme beaucoup d'autres, pendant de longues années sur une île au nord de la Crête. Ou comment la société définit sa norme de la santé, et pratique à partir de cette définition un certain nombre d'exclusions et de partages. Une question évidemment actuelle, une parmi toutes celles qu'À nous de voir abordera cette année...