Palais royal !

Mercredi 30 novembre 2005

Une bourgeoise timide est nommée Reine d'une monarchie d'opérette : cette Lady Di francisée par l'actrice et réalisatrice Valérie Lemercier devient l'emblème d'une drôle de comédie sur les faux semblants et l'hypocrisie.Christophe Chabert

La réussite de Palais royal ! tient d'abord à ce qu'il évite les écueils que son sujet (une timide orthophoniste, Armelle, est propulsée Reine dans une monarchie d'opérette et connaîtra un destin à la Lady Di) pouvait laisser présager. Pas question pour Valérie Lemercier de se lancer dans une charge satirique contre la monarchie, ce qu'un Chatiliez n'aurait pas manqué de faire. Quant à la comédie burlesque façon chienne dans un jeu de quilles, le film l'exécute assez vite dans sa première partie, pressé d'aller regarder dans une direction nettement plus inattendue. Car ce qui intéresse Lemercier à travers cette aristocratie désuète comme, ensuite, dans sa manipulation médiatique par son héroïne, c'est l'ambivalence de la "représentation".CachéeD'abord gauche face à un monde qui ne vit que par l'image qu'il donne de lui-même (voire les géniales séquences de photocall domestique puis d'entartage à la maison de retraite), Armelle bascule quand elle décide de mettre en scène cette hypocrite comédie des apparences. C'est en abusant un photographe de presse qu'elle démasque son mari infidèle, devenant aux yeux du monde une victime, mais pour le spectateur un bourreau. Tous les sentiments sont alors équivoques : plus Armelle est gentille face aux caméras, plus elle est odieuse devant celle de Lemercier. Ce tour de passe-passe évite le mépris surplombant car l'actrice et la réalisatrice ne font vraiment qu'une ; de fait, Palais royal ! n'est pas qu'un film de et avec Valérie Lemercier mais aussi pour et contre cette comédienne incroyable. Comme Haneke dans Caché, Lemercier refuse ainsi de faire la distinction entre ses images et celles de la télé ou des journaux ; mieux que Haneke, elle dénonce ainsi le fait que la surface de l'écran est un espace neutre dans lequel le personnage n'est qu'un masque au milieu d'autres masques. Sa capacité à jouer à la perfection toutes les paroles (compassion, cruauté, modestie vraie ou fausse, confusion...) en fait ainsi un corps de fiction idéal, en décalage avec le reste de l'image ou parfaitement synchrone avec son environnement. Ce que la mise en scène souligne dans une scène formidable où elle se met à danser façon Bollywood avec des autochtones indiens : à la fois parfaite et complètement à l'ouest. Que Lemercier ait réussi à tenir jusque dans sa très sèche conclusion une comédie si sophistiquée derrière son apparente simplicité (ce qui est finalement très cohérent !) et y ait embarqué un casting aussi prestigieux relève de l'exploit. Après des dizaines de bides accablants, Palais royal ! vient in extremis sauver l'honneur de l'humour français cette année...Palais royal !de et avec Valérie Lemercier (Fr, 1h40) avec Lambert Wilson, Catherine Deneuve, Mathilde Seigner...