Batalla en el cielo
de Carlos Reygadas (Mex-Fr-All-Belg, 1h28) avec Marcos Hernandez, Annapola Mushkadiz...
JapĂłn, premier film du Mexicain Reygadas, avait quelque chose d'exaspĂ©rant dans sa complaisance Ă faire du beau avec du laid, Ă esthĂ©tiser une rĂ©alitĂ© peu ragoĂ»tante... Batalla en el cielo, son nouveau long-mĂ©trage, corrige le tir et s'avère autrement plus stimulant. Comme un garde-fou pour ce cinĂ©aste un peu trop amoureux de ce qu'il filme, un peu trop content d'ĂŞtre si douĂ©, la camĂ©ra Ă l'Ă©paule et la lumière naturaliste d'un Mexique dĂ©sespĂ©rant d'urbanitĂ© glaciale et de misère sociale, vient calmer ses ardeurs et dĂ©bouche sur une rĂ©elle forme de poĂ©sie visuelle. Mais pas n'importe quelle poĂ©sie ! Marcos, ex-flic rustre, gros et taciturne, est le garde du corps d'Anna, fille Ă papa très dĂ©sirable aux mœurs dĂ©lurĂ©es. Un corps qu'il aimerait bien possĂ©der aussi, ce que Reygadas, pour le coup très direct, nous rĂ©vèle au premier plan, pipe Ă©dĂ©nique (Georges Bataille au septième ciel ?) en gros plan qui saisit le spectateur et lui lance le plus brutal des bras de fer. Le cul, omniprĂ©sent, est Ă la fois l'enjeu politique et le cœur esthĂ©tique du film : Marcos baise avec sa femme Ă©norme et monstrueuse, il la prend par derrière dans une scène abstraite et picturale qui contraste avec le moment oĂą il fait l'amour avec Anna, elle menant le va-et-vient au-dessus de lui dans un dĂ©cor blanc immaculĂ©. C'est elle qui domine car c'est elle qui a l'argent, donc le pouvoir. La sous-intrigue (qu'on ne racontera pas) dit Ă peu près la mĂŞme chose et c'est la limite du film : son marxisme est somme toute un peu court, quoique indĂ©niablement pertinent. Trop court en tout cas pour Ă©viter le remplissage : Reygadas se fait plaisir Ă filmer une scène de foot au ralenti, un instant suspendu dans une nature brumeuse et quelques autres coquetteries qui viennent lester un film dont on ne se dĂ©barrasse cependant pas si facilement (après, vous ne verrez plus les jeunes filles avec des dreads dans la rue de la mĂŞme façon !)Christophe Chabert