Burtonien mais pas trop...
Même s'il sort après Charlie et la chocolaterie, Les Noces funèbres est bien un projet antérieur dans la filmo de Tim Burton, d'où son retard par rapport à la maturité affichée par le cinéaste dans ses derniers films.Christophe Chabert
À la conférence de presse parisienne des Noces funèbres, ce grand adolescent hirsute de Tim Burton n'y allait pas par quatre chemins : "Maintenant, il est temps que je prenne du repos". C'est vrai qu'il a l'air crevé, le Tim, et on sent que l'équipe autour de lui (le co-réalisateur Mike Johnson, sa compagne d'actrice Helena Bonham Carter) joue les soutiens pour un artiste qui à enchaîner les films depuis quatre ans. Dans l'ordre : ces fameuses Noces funèbres, qui auront mis près de trois années à voir le jour ; Big Fish, superbe tentative pour transposer son imaginaire dans un cadre réaliste et le mettre en perspective avec l'idée que ce qui est le plus difficile à transmettre, ce n'est pas la vérité, mais les récits ; enfin, Charlie et la chocolaterie, grand bonheur de spectateur qui matérialisait un rêve de gosse (porter à l'écran le classique littéraire de Roald Dahl) en le tirant vers une dimension personnelle.Burton fatigué, mais Burton libéré !Burton est fatigué, mais son cinéma est en pleine forme ; on peut même se hasarder à le trouver plus passionnant encore qu'à l'époque, pourtant bénie, d'Edward aux mains d'argent et Batman le défi. Qu'on reprenne les choses à Sleepy Hollow, film propret qui se contentait de recycler assez cyniquement les attributs les plus voyants de l'univers burtonien, et on verra que le cinéaste a depuis effectué une mue salutaire. D'abord avec son remake mal aimé de La Planète des singes, où il choisissait de mettre ses obsessions en berne pour ne travailler que sur l'action et la narration, sauvant le film de l'incohérence par une direction artistique rigoureuse et une mise en scène plus classique qu'à l'accoutumée. Se pliant aux doléances de la Fox, jouant à fond la carte de l'impersonnel, Burton s'aventure en territoire inconnu et son cinéma en sort grandi. L'appel d'air réaliste et mélodramatique de Big Fish en est la meilleure preuve. Les décors naturels y sont préférés à la démesure du studio ; des acteurs "standards" (le fade Billy Crudup, le caméléon Ewan Mac Gregor) remplacent son comédien fétiche et charismatique (Johnny Depp) ; surtout, Big Fish opère une auto-analyse critique dont il ressort qu'il est plus important de léguer des histoires que des images, des sentiments que des gimmicks. Charlie et la chocolaterie porte la marque de cette émouvante remise en question : le poids du récit est plus important que la richesse du décor, les plans sont composés pour raconter toujours quelque chose et le seul ajout de Burton est une invention narrative (les rapports entre Willy Wonka et son père). Après ce très beau film, la découverte des 77 minutes des Noces funèbres est forcément décevante : comme si Burton allait aujourd'hui plus vite que la technique, dont il n'avait finalement plus guère le besoin. Cette maturité nouvelle est donc aussi, et tant mieux, une vraie liberté !