The President's last bang
Deuxième film de Im Sang-Soo à sortir sur les écrans français cette année, "The President's last bang" applique au cinéma politico-historique le mélange de genre et d'humeurs cher au cinéaste. Grand film !Christophe Chabert
Le nouveau film d'Im Sang-Soo peut se résumer de manière parfaitement linéaire : la reconstitution méticuleuse (en temps réel ou presque) du dernier jour du président sud-coréen Park Chung-hee, assassiné par le directeur de la CIA coréenne. De cette linéarité-là aurait pu découler une fiction historique qui nous aurait touché l'une sans déranger l'autre, nous spectateurs occidentaux peu au fait des enjeux politiques récents en Corée du Sud. Mais ce qui intéresse Im Sang-Soo, déjà réalisateur de l'excellent Une Femme coréenne, c'est plutôt ce que ce fait-divers révèle de la nature profonde du pouvoir quand il confine à la névrose.Le bon plaisirCar Park Chung-hee est un dictateur en bout de course, préférant les filles aux affaires du pays et laissant ses services secrets torturer impunément des "communistes" (une séquence où un type se fait brutaliser simplement parce qu'il a une reproduction de Picasso chez lui suffit à poser l'ambiance kafkaïenne de ce maccarthysme à la coréenne). Ses lieutenants, un secrétaire lèche-botte et un chef de la sécurité crétin, ne valent pas mieux ; même ses ennemis déjantent (Kim, le chef de la KCIA, se prend pour un samouraï et lance des aphorismes en Japonais ; Ju, son fidèle lieutenant, est un chrétien puritain qui abhorre la luxure et le stupre !). Im Sang-soo va réunir cette galerie de portraits dans un lieu unique, sorte de lupanar qui, le temps d'une séquence absolument époustouflante, se transformera en boucherie digne du final de Taxi Driver. Juste avant, il aura poussé son jeu sur le temps réel à son maximum, troussant un thriller aussi efficace et élégant (très élégant même !) qu'un épisode de 24 heures chrono. Car le cinéaste ne s'intéresse qu'aux possibilités offertes par son récit pour en changer l'humeur, la vitesse et l'optique. De la comédie au polar, du film d'espionnage à la farce politique, The President's last bang tente des percées sur tous les fronts (et marquent tous ses essais). C'est cependant la farce qui l'emporte. Le plan exécuté, une suite ininterrompue de bourdes feront échouer le coup d'état (notamment deux jeunes soldats qui préfèrent manger des nouilles plutôt que surveiller la dépouille du président !). Comme si l'exercice du pouvoir était une vaste et sinistre blague, une comédie qui se jouerait en haut lieu entre des égocentriques excentriques et avides de puissance ; mais les conséquences, tragiques, seraient toujours payées par les citoyens ordinaires. L'exemple vaut encore aujourd'hui... Au début, Park fait référence aux Américains et leur reproche de lui donner des leçons de démocratie. Sur le moment, c'est franchement drôle ; mais après tout ce bordel, ça fait froid dans le dos !The President's last bangd'Im Sang-Soo (Corée du Sud, 1h42) avec Hang Suk-gyu, Bail Yoon-shik...