Ma vie en l'air
de Rémy Bezançon (Fr, 1h47) avec Vincent Elbaz, Marion Cotillard, Elsa Kikoine...
Passons sur la sinistre coïncidence qui veut que ce film sorte au moment où une tragique série noire remet à la lumière de l'actualité médiatique la phobie du crash aérien. Car c'est bien de cela que souffre Yann Kerbec, né dans un avion (où sa mère meurt en couche) et systématiquement freiné dans ses initiatives amoureuses par la trouille de s'envoyer en l'air (enfin, dans les airs). Pour pallier cette infirmité, il devient formateur dans une cabine de pilotage virtuel. Mais rien n'y fait : à l'aube de la trentaine, Yann est bel et bien en train de foutre sa vie en l'air à force de ne pas savoir mettre de l'ordre dans ses sentiments. De cette pâtisserie légère et un rien industrielle, on peut tirer plusieurs leçons. La première, c'est qu'après Janis et John et Narco, l'hybridation entre Jeunet et Klapisch se dessine comme un horizon possible du cinéma français pour nous, les djeun's. Conséquence : dans ce cinéma-là , le monde n'a pas sa place. Comprenez : on n'y lit pas le journal, on regarde à la télé des docus animaliers mais surtout pas les infos et la question existentielle suprême n'y est pas celle du devenir de la civilisation à l'heure de la montée des fanatismes mais, inexorablement : "Vais-je enfin trouver la femme de ma vie ?" L'an dernier, Mensonges et trahisons, dans le même registre, arrivait à convaincre par son écriture impeccable et la personnalité décalée d'Édouard Baer. Bien que Vincent Elbaz et Marion Cotillard, ici comme ailleurs, soient des acteurs passionnants, ils ne possèdent pas l'ambiguïté magnifique de Baer, et semblent souvent voler vingt pieds au-dessus des péripéties programmées du récit. Que reste-t-il alors ? Un film bulle de savon, générationnel, esthétiquement lissé, totalement rassurant. Ça suffit pour tenir 1h47 ? Non, bien sûr, mais... CC