Crazy Kung Fu
Deux ans après le choc Shaolin Soccer, Stephen Chow nous assène de nouveau un divertissement de premier choix, dont la générosité foisonnante demande tout de même de la part du spectateur un amour illimité de l'objet cinéma.François Cau
Le dernier opus de Stephen Chow va vous demander un double effort relativement contraignant. Faire abstraction de ce titre français stupide, et dans un second temps essayer de ne pas vous laisser entrainer par le fond d'un doublage plus que débilitant. Ces deux gageures accomplies, vous serez à même d'apprécier, disons-le, une véritable machine de destruction comique. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Stephen Chow est le fruit des amours honteuses de Jim Carrey, Jackie Chan et Buster Keaton, flanqué d'un degré d'exigence technique élevant les comiques visuel et de situation au rang de disciplines extrêmes. Dans ses réalisations, Chow rend systématiquement hommage aux grandes figures cinématographiques de son enfance, propageant l'euphorie de sa cinéphilie comme une trainée de poudre. Dans Crazy Kung Fu, outre les "traditionnelles" joutes martiales hallucinées (réalisées ici par les maîtres Yuen Woo-Ping et Sammo Hung), on retrouvera pêle-mêle des références jouissives à Stanley Donen, Chuck Jones, Spider-Man ou Stanley Kubrick (on vous laisse la surprise), et bien évidemment à la fameuse "Bruce Lee attitude", que Chow véhicule ici avec une déférence quasi émouvante. Le roi de la comédieTous ces rappels au même dénominateur commun (le celluloïd dans toute sa splendeur imaginaire) se retrouvent au centre d'un scénario on ne peut plus prétexte : les habitants d'un paisible quartier doivent faire face à Sing (Chow), petit escroc minable s'essayant au racket, mais surtout au redoutable Gang des Haches, qui n'hésitera pas à faire appel à de terrrrriiiibles mercenaires pour venir à bout de cet ilôt de résistance. Choix surprenant de la part du réalisateur, le personnage principal est plutôt effacé dans la première partie, laissant l'intrigue se développer en grande partie autour des résidents, pour la plupart campés par des vétérans du cinéma populaire hong kongais de la grande époque. Chow fait même de Sing un personnage limite antipathique, avant de le faire exploser d'héroïsme dans un final visuellement orgiaque. On comprend bien la démarche du réalisateur, qui veut avant tout, à sa manière, dresser le bilan de tout ce qui l'a fait aimer le septième art. Son utilisation des effets spéciaux en est un témoin de choix, mêlant continuellement les dernières trouvailles numériques aux effets les plus rudimentaires. De ce fait, sa mise en scène n'aura peut-être jamais été aussi claire dans ses desseins : susciter un plaisir immédiat du spectateur, quitte à faire quelques écarts par rapport aux grandes lignes du cinéma de divertissement mainstream (violence, gags troupiers mais irrésistibles, intrigue délibérément répétitive, réduction de la love story habituelle à une portion vraiment congrue...). Crazy Kung Fu fera le bonheur des novices et l'hystérie des cinéphiles ; sa mise en scène majestueuse est même susceptible de l'élever au rang de futur classique.Crazy Kung Fude et avec Stephen Chow (Chine, 1h47) avec Wah Yuen, Leung Siu Lung, Yuen Qiu...