The Take
d'Avi Lewis et Naomi Klein (Canada, 1h27) documentaire
Enième docu altermondialiste co-réalisé par une des activistes les plus notoires du mouvement (Naomi Klein, l'auteur de No logo), The Take a de quoi inquiéter. Retraçant les tentatives de reprise par les ouvriers argentins des usines laissées à l'abandon par des patrons effrayés par la chute brutale de la monnaie nationale, le film est contestable sur deux points évidents. Primo, cet effet dernier de la liste, qui sape un peu la légitimité de la parole : quand l'alter devient la norme et finit par truster les écrans documentaires, le discours se banalise fatalement... Deuzio, le côté Michael Moore : à l'inverse du Cauchemar de Darwin (modèle absolu du film engagé), Lewis et Klein en rajoutent dans le commentaire off complice, l'explication de texte, l'interview apaisée des victimes désignées et celle, volée, des coupables vilipendés, filmées par une image numérique laide et grossière (là encore, Sauper a une vraie longueur d'avance). Aussi faible cinématographiquement que soit The Take, le film a malgré tout pour lui d'être un document nécessaire sur ce phénomène historique contemporain qu'est la naissance puis la crise de l'Argentine libérale. Par-delà l'appréciation des réalisateurs (balancée de manière assez lâche via une mystérieuse lettre à la fin), le mouvement d'euphorie puis de révolte anarchiste et enfin de reprise du pouvoir par le peuple argentin produit à l'écran des instants saisissants, qu'aucune fiction n'avait jusqu'alors osé montrer. CC