Les Mauvais joueurs
de Frédéric Balekdjian (Fr, 1h25) avec Pascal Elbé, Simon Abkarian, Isaac Shary...
Le film de Jacques Audiard, De battre mon cœur s'est arrêté, montrait en toile de fond le Paris mafieux des mauvais boulots et des marginaux. Plus modestement, ce premier film de Frédéric Balekdjian fait exactement la même chose, en l'inscrivant au cœur du quartier du Sentier. Non seulement on y retrouve Linh-Dan Pham (la prof de piano de Romain Duris) tout aussi épatante dans un nouveau rôle, mais aussi ce réalisme nerveux collant aux basques de ses personnages, composant loin des pièges du film identitaire une immigration sacrément brassée (arméniens, chinois, juifs, arabes...). à partir d'une réalité sociale filmée au plus juste façon frères Dardenne (ici l'industrie clandestine du vêtement), Balekdjian a su échafauder en prime un scénario des plus intelligents : Les Mauvais joueurs, ce sont ceux qui refusent de jouer complètement le jeu de la communauté, quelle qu'elle soit, et qui sans renier leurs origines comptent bien pour autant croquer leur part de liberté individuelle. La violence naît au cœur des problèmes d'identité et le film de quartier va se transformer peu à peu en film de truands, le crime consistant à s'affranchir de sa communauté. Un polar social qui problématise aussi bien l'immigration, ce n'est pas si courant dans le cinéma français. En prime, la direction d'acteurs est au top et Pascal Elbé, sorte de Daniel Auteuil arménien tout en sobriété au milieu d'un nid de violence, est impressionnant. Luc Hernandez
