Mon petit doigt m'a dit

Mercredi 20 avril 2005

Comédie policière d'après Agatha Christie, le nouveau film de Pascal Thomas démontre son art subtil du mélange des genres et boucle sa trilogie sur la survivance du passé dans le présent.Christophe Chabert

Notre petit doigt nous dit que le dernier Pascal Thomas va susciter plus d'un malentendu. Comme d'habitude, derrière l'apparente frivolité de ce qui est sur l'écran (ici, une fantaisie policière qui transpose Agatha Christie dans les verts pâturages savoyards et la grise architecture lyonnaise), le cinéaste se livre à un séduisant exercice de trompe-l'œil basé sur une alchimie certaine du mélange des genres. Mais ce diable de Pascal Thomas corse d'entrée la difficulté : la peinture du quotidien chez les Beresford (formidable couple formé par André Dussollier et Catherine Frot) semble prélevé à même un passé désuet. On y vit dans un manoir rempli d'antiquités, on y circule dans des voitures de collection, on y parle un langage châtié, plein d'esprit et de références, on y part à l'aventure presque par hasard, lancée dans une enquête policière par curiosité et désœuvrement plus que par soif de vérité.Rétro actifAutant dire que Pascal Thomas va là où on ne l'attend pas : lui qui d'habitude ne s'encombre guère de bétonner ses scénarios se retrouve à gérer les impératifs de rigueur liés au genre abordé et aux dialogues très écrits de ses deux protagonistes. Mais ce qu'il perd d'un côté, Thomas le rattrape de l'autre, en plaçant au milieu des scènes "sérieuses" des situations franchement loufoques, des silhouettes improbables et des détails presque anachroniques dans le contexte (canicule, portables et ordinateurs). Déroutante dans la première partie, cette rencontre va soudain faire sens quand le film entreprend de tout mener en même temps, ambiances inquiétantes bordurant le fantastique et gags dignes des Marx Brothers ou des ZAZ. Une mystérieuse poupée tombant d'une cheminée dans une maison remplie de madones cohabite ainsi à quelques séquences d'intervalle avec une conversation sur un yacht qui vire au ballet burlesque avec chanteurs tyroliens en arrière plan. Peur et rire, tout est plaisir de raconter chez Pascal Thomas, et c'est bien là l'enjeu souterrain de Mon petit doigt m'a dit : comment faire vivre un certain cinéma classique dans le cinéma d'aujourd'hui sans nostalgie ni mélancolie... Les fantômes d'Hitchcock et de Mankiewicz hantent les plans, d'une précision et d'une concision inédites chez le cinéaste, mais sans malice et sans aigreur. Thomas achève ainsi le projet secret de sa "deuxième" carrière : après avoir propulsé un personnage d'avant dans le monde de maintenant (La Dilettante), observé ce qui résistait du temps jadis dans l'urbanité contemporaine (Mercredi, folle journée), il conclut par ce beau plaidoyer pour un cinéma qui affirme son énergie ludique par-delà les genres, les styles et les époques. Notre petit doigt nous dit que ce geste simple et généreux est celui d'un authentique amoureux du cinéma.Mon petit doigt m'a ditde Pascal Thomas (Fr, 1h45) avec André Dussollier, Catherine Frot, Geneviève Bujold...