Libre et bouillonnant

par
Mercredi 20 septembre 2006

Des bourrasques de liberté soufflent sur la danse tunisienne et ces vents chauds nous font rompre les sens. C'est ce qui se dégage des pièces chorégraphiques écrites par la très sensuelle Aïcha M'Barek et l'élégant Hafiz Dhaou, danseurs formés à l'école Syhem Belkhodja de Tunis et venus parfaire leur formation au CNDC (Centre National de danse contemporaine) d'Angers. Nourries de danse et musique traditionnelles, intégrant une gestuelle contemporaine réalisée avec brio et réalisant des figures spectaculaires issues du hip hop, leurs pièces très narratives reviennent cependant à la source : des gestes simples pour des histoires simples mais fortes. Dans Zenzena (cellule), Hafiz Dhaou, corps à la fois souple et puissant, offre un solo très intériorisé où les différents sentiments violents liés à l'enfermement surgissent dans la lenteur du geste. D'abord accroupi, son corps zébré par les rayons de la lumière symbolisant les barreaux de la prison, ses membres se déploient ensuite dans des roulades retenues. Parti de deux contraintes au moment de la création de ce solo, une blessure au genou et la solitude du travail dans un studio de danse, le chorégraphe les a intégré pour mieux les dépasser : la lumière fragile s'infiltre dans cet univers clos, le corps dit la liberté et l'espoir par le privilège même de se mouvoir. Liberté encore dans cet époustouflant duo Khallini Aïch, à la saveur sulfureuse que souligne la voix de Sonia M'Barek invoquant Ma vie à t'espérer. Duo d'amour comme l'on en voit plus : sensuel, évident, à la sexualité offerte et heureuse. Les mouvements rapides, répétitifs, la femme portée, l'homme porté, le corps qu'on épouse, rejette, les sourires larges, les cheveux qui volent, l'enlacement incontrôlable dans l'appartement du couple, symbolisé accessoirement par une chaise et un bureau sur lesquels ils jouent, sont des scènes où l'énergie vitale se propage intensément. Comme dans un film en accéléré, puisque des noirs viennent cisailler les postures, on suit les échanges de leurs corps jusqu'à l'apaisement final. Ému, revigoré par cet hymne à l'amour, on se dit que Si Voyage des Poussières de Ahmed Khémis (que nous n'avons pas encore vu) est dans la même veine, la Tunisie des chorégraphes s'émancipe à grands pas. SDPanorama Tunisiele 5 décembre, à La Rampe