Un simple accident, passager clandestin

Publié Vendredi 19 septembre 2025

Excess Baggage / La dernière Palme d'or est un road movie drôle et glaçant, dépeignant frontalement et intelligemment un pays gangréné par la corruption. 

Photo : UN-SIMPLE-ACCIDENT_107©Jafar-Panahi

Depuis des années déjà, Jafar Panahi déploie des trésors d'inventivité afin de continuer à tourner dans un pays où il est persona non grata. Ce fut le cas avec son Taxi Téhéran, filmé clandestinement, ou de Ceci n'est pas un film, documentaire dans lequel il abordait la difficulté d'être cinéaste en Iran. Ce n'est pas avec Un simple accident, récompensé de la plus haute distinction lors du dernier festival de Cannes, qu'il va calmer l'hostilité du pouvoir, loin s'en faut. L'histoire de Vahid, un homme qui kidnappe un père de famille en qui il croit reconnaître son ancien tortionnaire, est l'occasion pour le cinéaste de tirer à boulets rouges sur le dysfonctionnement profond de son pays. 

L'enfer, c'est les autres

Afin de raconter cette tragédie intime, Panahi fait le choix payant (et sans doute conjoncturel) du quasi-huis clos. L'essentiel des interactions et des rebondissements narratifs se joue dans l'habitacle d'une camionnette où le suspect est enfermé dans une malle. Le film se révèle très drôle, notamment à travers le portrait des différents personnages croisés au fil des pérégrinations de Vahid : un couple de jeunes mariés, une photographe... Chacun représente une facette des travers de la société iranienne mais également de ses traumatismes. L'odyssée du groupe les mène à rencontrer la corruption à l'œuvre au sein de toutes les strates des institutions. D'un simple pompiste, aux policiers (hilarante scène à base de payement de bakchich via un TPE) en passant par le système hospitalier, tous les rouages ne semblent fonctionner qu'en échange d'une contrepartie financière officieuse. Un humour acide (il se distingue en cela de ses compatriotes Rasoulof et Roustaee) qui n'édulcore néanmoins jamais la violence du propos. 

Guéris tes blessures

Un simple accident s'impose comme une charge sans concession. Rythmé et brillamment dialogué, le long-métrage construit un mystère autour de l'identité du bourreau présumé. Il sert en réalité de questionnement éthique à chacun. Invisible et presque absent du récit, sa seule présence suffit à raviver les blessures enfouies. En cela, le puissant climax en plan-séquence s'impose comme l'un des sommets d'ambiguïté, une suffocante montée de tension en même temps qu'une libération cathartique. Cette séquence vient clore un film qui cache son ambition sous la modestie de son dispositif. Si le propos est on ne peut plus clair, et que sa conclusion ouvre vers un surprenant relent d'espoir humaniste, l'œuvre ne cache jamais sa nature profonde jusque dans ses dernières secondes obsédantes et délibérément laissées en suspens. Au sein d'une sélection cannoise partagée entre radicalité et conformisme, Un simple accident se pose comme le parfait équilibre entre engagement et exigence cinématographique.

 

Un simple accident

De Jafar Panahi (France, Luxembourg, Iran, 1h42) avec Vahid Mobasseri,  Maryam Afshari,  Ebrahim Azizi... En salle le 1er octobre 2025.

Un simple accident

sortie nationale : Mercredi 1 octobre 2025
De Jafar Panahi Avec Vahid Mobasseri, Maryam Afshari, Ebrahim...

Iran, de nos jours. Un homme croise par hasard celui qu’il croit être son ancien tortionnaire. Mais face à ce père de famille qui nie farouchement avoir été son bourreau, le doute... Lire +