On vous croit, mon fils ma bataille
Mother / Drame conjugal doublé d'un thriller judiciaire oppressant, "On vous croit" feint l'ambiguïté pour mieux nous fondre dans la peau de son héroïne et nous éprouver avec elle.
Photo : On vous croit © Jour2Fête
À l'origine de cet impressionnant premier film, il y a une rencontre entre Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys. Elle est professionnelle de santé auprès des victimes de violences sexuelles, il est le réalisateur de plusieurs courts-métrages primés. Ensemble, ils opèrent une plongée brute en apnée dans la journée d'Alice, une mère divorcée convoquée par un juge au sujet de la garde de ses enfants. Sur le papier, un drame conjugal classique, à l'écran, un thriller anxiogène et intense qui nous questionne frontalement et durablement.
Jusqu'à la garde
D'emblée, On vous croit affirme une totale subjectivité. Le format carré enserre les personnages dans un cadre cloisonné, accompagné par le son de la respiration de l'héroïne. Le duo de réalisateurs ne laisse d'autre choix que celui d'adopter son point de vue et de faire corps avec elle. Dans les décors gris et déshumanisés d'un tribunal, Alice bouillonne, et s'exprime parfois avec brutalité. À l'inverse, son ex mari apparaît toujours très calme et posé. Une première ambiguïté naît ainsi accentuée par un détail crucial. Les deux personnages, bien que parfois réunis au sein d'un même plan, ne dialoguent pas directement. Ils s'expriment à travers la voix de leurs avocats. Pour autant, jamais la parole de l'épouse n'est remise en cause. Les blocs séquentiels s'enchaînent, chaque partie a droit à son temps de parole. L'une des grandes forces du film tient à sa capacité à nous perdre dans les différentes versions des faits et à nous raccrocher à sa protagoniste par le même mouvement.
La parole est à la défense
Ces bases posées, On vous croit se refuse au discours théorique ou au propos didactique. Au contraire, derrière sa grammaire faussement rudimentaire, le film en simili temps réel présente des montées de tensions et un suspense redoutable. Mieux, il se permet quelques touches d'humour (le look de l'un des avocats) en guise de subtiles respirations au sein d'un thriller qui se joue de la frontière poreuse entre réel et fiction. Un dernier point qui imprègne la composition même du casting (formidable) mêlant indistinctement comédiens et non professionnels. La durée concise contraste avec le choix de construire les scènes en plans séquences, moins dans une recherche de prouesse formelle qu'une quête d'authenticité maximale et continue. Le duo de cinéastes n'hésite pas à entrecouper ces blocs de contre-champs et d'inserts, à bousculer le rythme et la linéarité. Ils créent peu à peu une dichotomie entre la relative banalité de la situation (une audition entre deux parents en conflit), le naturel des dialogues et une maîtrise chirurgicale de la mise en scène. L'imprévisible naît d'une quotidienneté de façade. En résulte un tour de force passionnant, complexe, qui évite tous les écueils du film à thèse pour offrir une proposition de cinéma totale et implacable. Grosse sensation.
On vous croit
De Charlotte Devillers, Arnaud Dufeys (Belgique, 1h18) avec Myriem Akheddiou, Laurent Capelluto, Natali Broods... En salle le 12 novembre 2025.
