Les diamants ne sont pas éternels

Entretien / Pour leur quatrième long-métrage, Hélène Cattet et Bruno Forzani changent de registre pour s'essayer au cinéma d'action et d'espionnage, qu'ils s'amusent à déconstruire et revisiter. À découvrir en salle le 25 juin prochain.

Photo : Reflet dans un diamant mort © UFO Distribution

Reflet dans un diamant mort, fort d'un geste pop et méta, vient interroger le rapport au cinéma de ses auteurs sans jamais perdre de vue l'essentiel : la jouissance du spectateur. Il entremêle malicieusement des échos à des films grands publics et d'autres connus d'une poignée de cinéphiles. Sa grande force est de ne jamais se faire dévorer par ses idées et ses références pour se poser en pur objet de résistance, à la fois immédiatement excitant et durablement fascinant.

Le Petit Bulletin : Qu'est-ce qui déclenche chez vous l'envie de ce quatrième long-métrage ?

Bruno Forzani : Peu après la sortie de notre premier, Amer, nous avons découvert Road to Nowhere de Monte Hellman dans lequel jouait Fabio Testi. C'est un acteur que nous n'avions pas vu depuis très longtemps et que nous connaissions surtout jeune. Il nous a fait penser à Sean Connery mais aussi à Dirk Bogarde dans Mort à Venise de Luchino Visconti.

Hélène Cattet : Subitement, nous avons commencé à imaginer un James Bond qui revisiterait sa vie à la manière de Mort à Venise. Le temps passe, nous réalisons d'autres films, puis plusieurs idées vont s'agréger entre elles : une exposition que nous sommes allés voir, un rêve de Bruno...

Comment un film aussi foisonnant s'écrit-il ?

BF : Notre référence en termes de scénario c'est Millennium Actress de Satoshi Kon avec sa narration stéréoscopique.

HC : Cela nous permet d'entremêler plusieurs couches de narrations et d'interprétations selon comment elles s'entrecroisent. Nous écrivons avec des couleurs afin que chaque couche corresponde à une couleur et à une temporalité, nous pouvons ainsi prendre du recul sur le scénario.

BF : Sur ce film nous avons assumé encore plus que d'habitude le côté graphique du scénario, chaque séquence s'accompagnait d'une "vignette" qui permettait au spectateur de visualiser ce que nous voulions faire.

Vous avez dit au sujet de Reflet dans un diamant mort, avoir voulu retrouver la jouissance du premier visionnage quant aux références que vous maniez, James Bond en tête... Comment avez-vous procédé ?

BF : Cette notion de jouissance, on essaie de la transmettre dès l'écriture. On travaille autour d'un univers hyper balisé dans lequel on retrouve souvent la même narration, mais puisque les gens connaissent ces codes, on peut se permettre de pousser les situations à leur paroxysme et de proposer autre chose. 

HC : C'est subjectif et très intuitif mais si déjà on jubile en écrivant, on se dit que c'est cool ! Les idées viennent avec une grosse part d'intuition. Ensuite, le fait de travailler à deux et de communiquer entre nous impose un premier filtre naturel.

Qu'est-ce que le "diamant mort" du titre ?

BF : Il peut être plusieurs choses et notamment ces Eurospy [ndlr : film d'espionnage spaghetti majoritairement produit durant la deuxième moitié des années 60] un cinéma artisanal qui n'existe plus, jusque dans sa manière de faire avec peu de moyens et en trichant. Fabio Testi a débuté dans cette industrie. 

HC : L'un des thèmes se situe au niveau de l'illusion d'un monde mais aussi de la désillusion de celui-ci, comment d'acteurs on devient spectateurs. C'est comme si nous mettions côte à côte une image que nous avions eue étant petits et une autre que nous avions en étant grands.

BF : D'une certaine manière, le film parle autant de nos rêves d'enfants, notamment celui de sauver le monde, que de la vieillesse. Derrière, à travers la mémoire défaillante du personnage, le réel et la fiction se mélangent.

Lors de votre venue au Festival d'Annecy en 2018, vous aviez évoqué un projet de film d'animation nommé Darling, qu'en est-il ? 

BF : Nous l'avons développé pendant quasiment neuf ou dix ans. C'était censé être notre quatrième film, après Laissez bronzer les cadavres. Nous sommes allés au Japon, nous avons rencontré des gens en Amérique du Nord et en France.

HC : Au final, nous nous sommes dit que ce serait bien de rapatrier ce projet en Belgique. Mais le Covid est arrivé...

BF : Pendant le confinement, nous avons développé en parallèle le film d'animation et Reflets dans un diamant mort. C'est ce dernier qui a pris son envol en termes de financement mais maintenant, nous allons donc pouvoir nous atteler de nouveau à Darling.

Reflet dans un diamant mort
D'Hélène Cattet et Bruno Forzani (Belgique, Luxembourg, Italie, France, 1h27) avec Fabio Testi, Yannick Rennier, Keon De Bouw... 
En salle le 25 juin 2025.

Reflet dans un diamant mort

sortie nationale : Mercredi 25 juin 2025
De Hélène Cattet, Bruno Forzani Avec Fabio Testi, Yannick Renier,...

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