Interroger notre monde

Depuis sa création en 2002, le Festival International Théâtre Action a pris de l’ampleur, investissant maintenant les quatre coins de l’agglo. A l’occasion de la quatrième édition, rencontre avec Laurent Poncelet, metteur en scène de la compagnie Ophelia Théâtre et directeur de ce festival engagé. Propos recueillis par Aurélien Martinez

Petit Bulletin : Comment présenter le Fita ?
Laurent Poncelet : C’est un temps de rencontre entre des spectacles venant des quatre coins du globe qui interrogent notre monde d’aujourd’hui, avec des regards différents que l’on vienne d’Afrique, d’Amérique, d’Europe de l’est… Les lieux de représentations sont essentiellement dans les quartiers populaires urbains, et en milieu rural pour le reste du département. L’enjeu est ainsi de pouvoir mobiliser un public le plus large possible, notamment celui qui vient rarement au théâtre, en travaillant avec de nombreux partenaires, des associations, des centres sociaux, des MJC, des foyers d’accueil. Et ça fonctionne : on en est à la quatrième édition, le public étant toujours plus conséquent et d’une rare diversité culturelle, générationnelle, sociale… C’est ça l’enjeu : que les gens se sentent chez eux quand ils viennent au théâtre.

Les spectacles ne sont-ils choisis que pour leur côté engagé ?
Nos spectacles posent des questions, bousculent, remuent. Il y a des temps d’échanges, de débats après les représentations. Autour de certaines, on propose carrément des forums participatifs. Par exemple, il y en aura avec Le Paradoxe de l’Érika, qui pose la question de la pertinence des indicateurs de richesse utilisés dans notre société. Donc oui, les spectacles sont choisis pour leur propos, mais aussi pour leur pertinence artistique. Le Fita n’est pas une tribune, un tract qu’on distribue ; c’est la qualité du jeu théâtral qui va pouvoir bousculer le public et ça passe par un travail artistique conséquent. On a un réseau international qui s’est constitué d’édition en édition pour découvrir des propositions intéressantes. On avance aussi en lien avec la Belgique – les Belges organisent leur Fita, mais différemment (cette année, on doit avoir deux ou trois spectacles en commun) –, l’information circule entre nous. Pour cette nouvelle édition, il y a des spectacles découverts à Avignon (comme le spectacle roumain Hymnus), d’autres dont les compagnies sont déjà venues (les Togolais en 2004, les Italiens en 2006…), d’autres ont été découverts par les Belges, comme le spectacle haïtien…

Quelle est la ligne directrice de cette quatrième édition ?
A chaque Fita, il y a volontairement une diversité de thèmes. Mais cette année, on peut néanmoins retenir deux orientations. D’abord, j’avais envie que l’Afrique soit davantage présente. Ensuite, je voulais aborder la question de l’immigration parce que le contexte national et européen imposait ce thème. Quand on parle de ministère de l’identité nationale, on ne peut pas rester neutre…

Pouvez-vous présenter quelques temps forts ?
C’est difficile de répondre ! Mais je vais en citer quatre. L’ouverture du festival d’abord, sur l’immigration, avec Le Destin du clandestin par une compagnie sénégalaise. Puis le spectacle haïtien, pour la diversité qu’il va y avoir dans le public, du fait d’un important travail en amont. Il y a aussi une création togolaise, et enfin, en clôture de festival, le 29 et 30 novembre, un autre gros temps fort : un forum « théâtre et lien social », avec six spectacles dont, pour la dernière fois, la présentation de Rêve partie par notre compagnie.

Quand le Fita se termine, l’idée d’un théâtre engagé persiste-t-elle à vos yeux dans les salles conventionnelles ?
Il manque dans l’espace théâtral des spectacles qui prennent à bras-le-corps le monde d’aujourd’hui. Mais grâce au Fita, il y a une résonance : oui, le théâtre peut être accessible à tous, cet interdit symbolique d’une partie de la population disparaît à un moment … Et pour les autres théâtres, plusieurs nous rejoignent au fil des éditions, comme cette année l’Heure Bleue ou l’espace Paul Jargot à Crolles. Il y a un intérêt croissant pour une approche différente d’une programmation classique.

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