Un caméléon domestique doit affronter un Ouest sale, hostile et asséché, dans ce western animé boulimique qui peine à trouver sa voie, sauf quand son réalisateur Gore Verbinski le transforme en portrait assez juste de Johnny Depp.Christophe Chabert
Rango ne s'en tient pas, hélas ! à la pure reprise amoureuse des codes du western, mais oscille sans arrêt entre la citation fidèle et le détournement parodique. Ce n'est pas la seule hésitation de Gore Verbinski, et c'est ce qui tire son projet, pourtant plus personnel qu'à l'accoutumée, vers une boulimie fatigante. Le sérieux avec lequel il crée son univers — l'animation, made in ILM, est épatante, bien meilleure que celle des productions Dreamworks — est parasité par un humour bulldozer qui laisse beaucoup de déchets derrière lui. Même problème avec le choix de créer un escalier de méchants à l'impact éphémère plutôt que de concentrer ses efforts sur la création d'un vilain vraiment iconique et terrifiant. Enfin, le film accumule poussivement les moments spectaculaires, répondant sans joie au cahier des charges du blockbuster animé. Pourtant, il y a une idée merveilleuse, théorique et osée dans Rango : faire le portrait de Johnny Depp en acteur caméléon capable d'apporter décalage et étrangeté aux univers balisés dans lesquels on l'engage. Les nombreux clins-d'œil à ses personnages les plus célèbres (de Hunter Thompson à Jack Sparrow) l'attestent : Verbinski réfléchit au statut si particulier que le comédien occupe aujourd'hui dans le cinéma américain, celui d'un acteur furieusement moderne, à la fois fantaisiste et nu, échappant à toutes les écoles et à toutes les étiquettes pour se construire une identité multiple et en mouvement. Rango, c'est définitivement lui !Rango
De Gore Verbinski (ÉU, 1h40) avec Johnny Depp, Abigail Breslin...