Après plus de six mois de fermeture, les salles de spectacle et les théâtres peuvent rouvrir leurs portes depuis le mercredi 19 mai. Mais si la reprise est largement saluée par les acteurs culturels, elle occasionne également de nouvelles problématiques pour les salles.
Elle était attendue depuis plusieurs mois. Espérée début janvier, puis mi-avril, c'est finalement le 19 mai que les salles de spectacle pourront rouvrir leurs portes au public et proposer à nouveau concerts, pièces de théâtre, danse et rendez-vous de toutes sortes, mis à l'arrêt depuis la fermeture des lieux culturels le 30 octobre dernier. Annoncé fin avril, le calendrier progressif du déconfinement prévoit la réouverture des salles en trois temps, avec une première phase, du 19 mai au 9 juin, permettant l'accueil de 800 spectateurs maximum et une jauge à 35% de la capacité de la salle, une seconde phase, du 9 juin au 1er juillet, avec une jauge à 65%, et une levée des restrictions d'accueil à partir du 1er juillet.
Mais si le déconfinement des lieux de spectacle est forcément une bonne nouvelle pour les spectateurs, les artistes et les acteurs culturels laissés sur le carreau pendant plus de six mois, la réouverture dans un contexte de fin de saison pose un certain nombre de questions. Au Théâtre municipal de Grenoble (TMG), qui regroupe le Grand théâtre, le Théâtre 145 et le Théâtre de poche, l'annonce de la reprise a été reçue dans un premier temps avec une certaine perplexité. « Vu l'avancée de l'épidémie, nous avions fait une croix sur la saison sans vraiment se le dire. On a été nombreux à être surpris et à prendre l'information avec des pincettes, même si c'est évidemment formidable de pouvoir rouvrir et d'avoir l'opportunité de clôturer la saison », explique Delphine Gouard, la directrice du théâtre.
En pleine préparation de la saison prochaine, les équipes ont donc dû se mettre en ordre de bataille pour relancer la machine, avec notamment la proposition du chorégraphe Nicolas Hubert, en résidence au TMG. Le tout sans avoir beaucoup d'informations sur le protocole à appliquer, les salles étant toujours en attente des décrets du ministère de la culture, quelques jours avant la reprise. « En fonction du nombre de sièges à laisser entre chaque spectateur ou groupe de spectateurs, ça changera forcément le nombre de personnes dans la salle », précise la directrice du TMG. Sans oublier l'incertitude liée à la fréquentation, traditionnellement moins importante à cette période de l'année dans les théâtres (qui d'ailleurs rouvriront leurs portes le même jour que les terrasses de restaurant et bar).
Jauges réduites
À la Source, établissement de musique actuelle de Fontaine, le redémarrage est également synonyme de réorganisation. Pendant toute la période de fermeture, la salle s'était lancée dans la diffusion de concerts en live stream et avait décalé certaines dates, annulées en février et mars, au mois de juin. Ces différents concerts, parmi lesquels ceux de Slim Paul et Yseult, pourront donc se dérouler en jauge réduite, dans un premier temps avec 151 spectateurs sur les 434 places que compte la grande salle, puis, à partir du 9 juin, avec 282 spectateurs. Mais si la programmation initiale pourra être proposée à la Source, ces spectacles en jauges réduites posent, au-delà des questions de protocole, des enjeux de rentabilité pour les salles, qui assurent les cachets des artistes, sans pouvoir compter sur une billetterie fonctionnant à 100%.
Une problématique que rencontre également la Bobine, dont une partie de la programmation se déroule en été et qui fonctionne avec un modèle économique basé sur la billetterie et les recettes engrangées par la restauration et le bar, qui seront proposés uniquement en service à table. « Si on ne regardait que le compte en banque, on arrêterait tout, mais cette réouverture est vraiment nécessaire et nous pouvons nous appuyer sur le fond de solidarité et certains dispositifs de compensation de la billetterie, qui nous permettent d'être plus sereins », explique Hélène Dillies, coordinatrice générale de la Bobine.
Repartir, c'est également essayer de trouver un sens aux propositions culturelles présentées, en naviguant avec les restrictions liées à l'application du protocole. À la Bobine, l'été signe le retour des soirées électro et des concerts dédiés à la scène locale, programmés les mardis et samedis soir. Mais cette année, ces rendez-vous devront se faire devant un public assis. Une obligation liée au protocole sanitaire qui réinterroge l'essence même de ces soirées. « Il a fallu réadapter les propositions et changer d'esthétique, avec des choses plus posées, qui puissent fonctionner dans ce cadre, précise Hélène Dillies. C'était important pour nous de soutenir la scène électro, qui a été dévastée par cette crise, mais sans pour autant faire du forcing et proposer des choses qui ne soient pas adaptées. » Parallèlement, l'équipe de la Bobine a également imaginé un nouveau format, avec Bob'out !, un « festival de retrouvailles » qui proposera des concerts en plein air, du 23 au 26 juin, sur l'Anneau de Vitesse, à Grenoble. Une façon de marquer pour de bon le réveil du spectacle vivant, bien décidé à dépasser les contraintes et les protocoles, pour enfin retrouver son public.