Lundi 18 septembre 2023 À la veille d’aller donner une sérénade jazzy au Parc des Oiseaux de Villars-les-Dombes, Woody Allen était de passage par l’Institut Lumière de Lyon en compagnie de quelques-uns de ses comédiens de son nouveau film "Coup de chance". Rencontre.
Fanny Ardant : « En amour, l'expérience ne sert à rien »
Par Vincent Raymond
Publié Lundi 31 janvier 2022
Photo : © Ex Nihilo Kare
Entretien / La disparition prématurée de Sólveig Anspach a mené entre les mains de Carine Tardieu le scénario des Jeunes Amants, que la cinéaste a retravaillé et tourné entre Lyon et Paris avec Melvil Poupaud et Fanny Ardant dans le rôle de Shauna. Rencontre avec une légende.
La co-scénariste Agnès de Sacy avait fait la promesse à Sólveig Anspach qu'une cinéaste réaliserait son projet de film. Pensez-vous qu'un regard féminin est foncièrement différent sur cette histoire ?
Fanny Ardant : Je n'ai jamais su ce que c'était qu'un regard féminin. Vous savez, on m'avait demandé ce que ça faisait d'être dirigée par une femme après avoir fait L'Été prochain de Nadine Trintignant (1985) et j'avais trouvé ça... restrictif. Car avant d'être une femme ou un homme, il y a des êtres humains avec des composantes féminines et masculines — et chez les hommes et chez les femmes. C'est une question énigmatique que vous me posez.
Le rôle de Shauna a-t-il été difficile à interpréter ?
Non, à partir du moment où j'aimais ce personnage, où j'aimais cette histoire... Je n'ai jamais caché mon âge ; j'ai toujours été comme ça. Et même souvent, j'aimais beaucoup l'idée même de la provocation, de dire « j'aime beaucoup être l'objet du dégoût » — je vais jusque-là ! Sur la pellicule, où l'on voit encore plus les détails de tout ce qui ne va plus, c'est un deal... mais je préfère complètement épouser mon temps plutôt que de pleurnicher sur quelque chose que, de toute façon, j'ai perdu ; donc je préfère jouer mon âge. C'est l'un des trucs tabous de cette société, un peu comme "pourquoi les vieux messieurs ont le droit de se taper des filles, alors que les vieilles dames n'ont pas le droit de se taper des garçons ?" On revient toujours sur notre société qui est dans le jeunisme. C'est comme une volupté d'opposer l'âge à une société qui dit comment rester jeune toute sa vie.
Mais avoir l'âge du rôle — le personnage mentionne son âge à plusieurs reprises dans le film — vous était-il utile ?
Moi, je ne l'utilise pas. Quand vous posez les questions, elles sont très raisonnées et raisonnables, mais moi je ne joue pas comme ça... Non... On me demande toujours comment « vous avez préparé ? » Et moi : « je n'ai pas préparé ». À partir du moment où j'avais accepté cette histoire et ce personnage, j'étais très contente de tourner avec Melvil, « allez, laisse-toi aller ». Et comme Carine savait exactement ce qu'elle voulait pour son film et ses personnages, et que je savais qu'elle était là...
Plus on définit un personnage d'une façon rationnelle et intellectuelle, plus on va perdre des choses que l'instinct ou le regard de l'autre nous aurait fait naître dans le corps et dans l'émotion. Tout ce qui était mis en état d'être joué et qui, dans le scénario, était très bien écrit, justement : les pudeurs de cette femme qui se dit : « comment je vais me déshabiller ? » alors que je trouvais que, arrivé à un certain âge, c'était un peu comme quand vous arriviez à l'adolescence, quand la première fois que vous connaissez un homme, vous avez exactement les mêmes peurs : d'être trop moche, trop grosse, trop vieille, etc. C'était plutôt ça, pour moi... Mais je n'ai jamais fait ce film comme une sorte de pancarte brandie ; ça me dégoûte, le cinéma qui livre un message.
Le film fait le distinguo entre amour d'enfance et amour de jeunesse...
J'ai l'impression qu'en amour, l'expérience ne sert à rien. Dans les histoires qui nous arrivent 15, 16 ou à 70 ans, se met en branle un mécanisme où, malgré tout ce que vous avez vécu, rien ne vous défendra.
Entre l'histoire d'amour et la maladie qui arrive, y avait-il quelque chose que vous appréhendiez le plus ?
Je ne voulais pas tourner toute nue. Tout de suite, j'étais venue voir Carine Tardieu en lui disant que j'avais beaucoup aimé le scénario, mais que je ne tournerais pas nue. Quand j'étais jeune, je ne m'étais jamais mise toute nue, je ne vois pas pourquoi maintenant je le ferais. Et puis Carine, qui est quand même intelligente, a pacifié l'histoire. Elle m'a dit exactement comme elle imaginait les scènes ; j'étais rassurée sur ce point.
Après, la maladie, ça m'intéressait beaucoup. Parce que la maladie c'est comme un château-fort à l'intérieur de soi. Comment est-ce qu'on va résister ? Qu'est-ce qui va advenir ? Est-ce que c'est le corps qui va dicter sa loi à la pensée ? Jouer le rôle d'une femme malade, c'est très intéressant. On a toujours le même esprit, comme le disque dur d'un ordinateur mais l'ordinateur est en train de céder.
Et vous avez joué dans une dissociation corps/esprit ?
Je me rappelle que les premiers symptômes de la maladie de mon personnage surviennent lorsqu'elle est dans son bain. Tout à coup, il y a quelque chose qui commence à taper sur les fondations ; l'ennemi est en train de rentrer dans le château-fort...
★★★☆☆ Les Jeunes amants de Carine Tardieu (Fr., 1h52) avec Fanny Ardant, Melvil Poupaud, Cécile de France...En salle le 2 février
à lire aussi
vous serez sans doute intéressé par...
Lundi 22 mai 2023 Adaptant Éric Reinhardt avec Audrey Diwan, Valérie Donzelli offre deux doubles rôles à ses comédiens Virginie Efira et Melvil Poupaud, dans un film sombre comme les forêts du Grand Est et cependant troué de (rares) clairières. Rencontre en marge du...
Mercredi 24 mai 2023 Après sa réjouissante fantaisie Notre Dame (2019) et sa série Nona et ses filles (2021), Valérie Donzelli renoue avec le drame dans la sphère intime en adaptant avec Audrey Diwan un roman d’Éric Reinhardt portant sur l’emprise et la maltraitance...
Mardi 16 mai 2023 D’un classicisme à peine bousculé, Jeanne du Barry suit les grandeurs et misères d’une courtisane ayant réchauffé le crépuscule d’un monarque. Maïwenn s’offre Johnny Depp, Versailles et le rôle-titre dans cette superproduction à la française taillée...
Lundi 10 octobre 2022 À mille lieues de l’exercice un peu vain et tire-larmes du film centrés sur les maladies dégénératives, "Un beau matin" permet à Mia Hansen-Løve de signer un beau portrait solaire de son double de cinéma, campé par Léa Seydoux, autant que de rendre...
Samedi 21 mai 2022 En plongeant dans les affres de la famille Vuillard, Arnaud Desplechin renoue avec les histoires de parentèles et les brouilles irréconciliables… ou presque. Trente ans après sa première sélection cannoise, le voici à nouveau candidat sérieux à un...
Samedi 21 mai 2022 Retrouvailles entre Arnaud Desplechin, ses comédiens, ses thèmes, sa ville de naissance, mais aussi avec la Croisette, à l’occasion d’une tragédie familiale, où l’amour est étudié à travers son exact opposé. Où l’on mesure qu’une absence est aussi...
Lundi 31 janvier 2022 Tour d'horizon des sorties cinéma des mercredis 2 et 9 février.
Lundi 26 octobre 2020 ★★☆☆☆ De et avec Maïwenn (Fr., 1h30) avec également Louis Garrel, Fanny Ardant, Marine Vacth…
Mardi 9 avril 2019 De Philippe Ramos (Fr, 1h10) avec Melvil Poupaud, Denis Lavant, Anne Azoulay…
Mardi 12 février 2019 D’une affaire sordide saignant encore l’actualité de ses blessures, François Ozon tire l’un de ses films les plus sobres et justes, explorant la douleur comme le mal sous des jours inattendus. Réalisation au cordeau, interprétation à l’avenant. En...
Mardi 12 février 2019 Dans le film de François Ozon "Grâce à Dieu", il incarne celui grâce auquel le scandale éclate enfin. Riche d’une carrière de plus de trente ans dans le cinéma (mais pas seulement), Melvil Poupaud enchaîne les partitions exigeantes et variées sans...
Lundi 14 janvier 2019 De Eva Ionesco (Fr-Bel, 1h52) avec Isabelle Huppert, Melvil Poupaud, Galatea Bellugi…
Mardi 4 décembre 2018 de Diane Kurys (Fr, 1h35) avec Fanny Ardant, Vianney, Patrick Chesnais…
Mardi 13 mars 2018 de Sophie Fillières (Fr., 1h35) avec Sandrine Kiberlain, Agathe Bonitzer, Melvil Poupaud…
Lundi 4 septembre 2017 "Ôtez-moi d'un doute", film au casting quatre étoiles (François Damiens, Cécile de France, André Wilms, Guy Marchand...), c'est la très bonne surprise de cette rentrée cinématographique. Rencontre avec sa réalisatrice.
Lundi 4 septembre 2017 Un démineur breton se trouve confronté à de multiples "bombes" intimes, susceptibles de dynamiter (ou ressouder) sa famille déjà bien fragmentée. Autour de François Damiens, la réalisatrice Carine Tardieu convoque une parentèle soufflante, qui a été...
Mardi 13 septembre 2016 de Justine Triet (Fr., 1h36) avec Virginie Efira, Vincent Lacoste, Melvil Poupaud…
Mardi 28 juin 2016 Scénariste de "L’Effet aquatique", mais aussi des précédents longs-métrages de Sólveig Anspach, Jean-Luc Gaget a accompagné tout le film jusqu’à son montage après le décès de la réalisatrice, le 7 août 2015…
Mardi 28 juin 2016 de Sólveig Anspach (Fr./Isl., 1h23) avec Florence Loiret-Caille, Samir Guesmi, Didda Jonsdottir…
Mardi 15 septembre 2015 Récemment muté dans un petit village, un curé charmeur et beau parleur fait perdre la tête à ses paroissiennes. La sienne finira par rouler au fond d’un panier... Justement récompensé au Festival des Films du Monde de Montréal, le nouveau...
Mardi 23 décembre 2014 "Une fille dans chaque port" : c’est une devise des marins, et elle en dit long sur l’univers hautement viril qui règne au sein des équipages. Fidélio, (...)
Mercredi 15 janvier 2014 De Solveig Anspach (Fr, 1h27) avec Karin Viard, Bouli Lanners, Claude Gensac…
Mercredi 12 juin 2013 De Marion Vernoux (Fr, 1h34) avec Fanny Ardant, Laurent Lafitte, Patrick Chesnais…
Mardi 19 mars 2013 De Solveig Anspach (Fr, 1h27) avec Florence Loiret-Caille, Didda Jonsdottir…
Mardi 17 juillet 2012 De Carine Tardieu (Fr, 1h29) avec Agnès Jaoui, Denis Podalydès, Isabelle Carré…
Mardi 17 juillet 2012 Bonne nouvelle : Xavier Dolan fait sa mue et commence à devenir le cinéaste qu’il prétend être. Si "Laurence anyways" est encore plein de scories, d’arrogances et de références mal digérées, on y trouve enfin de vraies visions de cinéma.
Christophe...