Prix de l'énergie : la culture passe à l'heure d'hiver

Inflation / Avec une hausse de 19, 1% sur un an au mois d’octobre, l’inflation énergétique galope en France alors que l’hiver arrive à grands pas. Pour le secteur culturel, c’est un nouveau défi qui se présente : comment faire face à une augmentation des dépenses dans un contexte déjà peu amène ? Pour l’instant, ce sont surtout les doutes qui demeurent… 

C’est inédit depuis 1985, tout de même. En France, l’inflation a grimpé de 6, 2% sur un an en octobre, selon les derniers chiffres consolidés de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). Outre les prix de l’alimentation (+ 12%), ce sont ceux de l’énergie qui accusent la plus forte hausse (+ 19, 1%) alors que l’on entre progressivement dans le dur de la période hivernale. Une situation qui impacte tout le monde et une crise de plus à gérer pour le secteur culturel après les fermetures imposées par le Covid et le fléchissement de la fréquentation. Lors de sa conférence de presse de rentrée en septembre dernier, Arnaud Meunier, directeur de la MC2, tirait la sonnette d’alarme : « Je dois mettre en œuvre mon projet et donc lancer de nouvelles initiatives tout en ayant moins de moyens car les financements chutent (la MC2 a subi une baisse de subvention de la Région de 120 000 euros, ndlr) et l’inflation décolle. » En plein cœur de l’hiver, pas facile de chauffer les quatre salles de spectacle et les 22 000 mètres carrés que représentent la Maison de la culture…

C’est mathématique, la question de l’inflation énergétique se pose avant tout pour les plus gros établissements culturels, notamment ceux gérés directement par la Ville de Grenoble, à savoir le Musée, les trois théâtres municipaux, le Muséum, les bibliothèques et le conservatoire. « Globalement, les dépenses de fluides pour ces bâtiments culturels représentent 1 million d’euros par an. Et on s’attend à ce que ce chiffre double en 2023 compte tenu des hausses tarifaires », précise Lucille Lheureux, adjointe à la Culture. Le musée de Grenoble et ses 18 000 mètres carrés est le plus gros consommateur, tous bâtiments municipaux confondus. « Il consomme même deux fois plus que le second, c’est-à-dire l’hôtel de ville où travaillent des centaines de personnes. Il se trouve que le Musée n’a pas du tout été conçu avec une bonne isolation, à l’époque. »

Tous à 19°C

Pour faire face à l’urgence, cet hiver, la Ville n’a d’autre choix que de jouer sur la température pour limiter les dépenses énergétiques, en abaissant le chauffage à 18°C pour les espaces de conservation (ce qui correspond au plancher légal en dessous duquel les collections risqueraient d’être endommagées) et à 19°C pour les espaces accueillant du public. « Mais il faut aussi avoir en tête que depuis 10 ans, on a réussi à réaliser 10 à 15% d’économies d’énergie sur nos bâtiments culturels grâce, par exemple, à l’optimisation des systèmes de chauffage. Ce qui s’ajoute à notre plan global de rénovation énergétique sur l’ensemble de nos établissements », tient à signaler Lucille Lheureux.

Autre mastodonte, le Palais des Sports, qui est uniquement loué à des organisateurs par la Municipalité, ne fait cependant pas partie de la politique culturelle de la Ville : « C’est très difficile de chauffer un tel espace. C’est pour ça qu’on est dans une logique très événementielle pour ce type de lieu et que d’autre part, on travaille à ce que cette problématique soit intégrée dans les coûts de location de la salle. Mais quand on est nous-mêmes organisateurs, on peut faire notre choix. Lors des dernières Rencontres du cinéma de montagne, on a pris la décision de chauffer à 18°C car avec des dizaines de milliers de personnes, la température ressentie a tendance à remonter. Le dernier soir, on n’a même pas eu besoin de brancher le chauffage. »

La Belle craint le pire

Du côté de la Belle Électrique, on a également baissé le thermostat à 19°C dans le restaurant et les espaces de travail avec une mise en route du chauffage plus tardive, une optimisation de l’inertie et une attention particulière à maintenir les doubles-portes fermées. La grande salle de concert, quant à elle, n’a jamais besoin d’être chauffée, la chaleur humaine suffit. La facture d’énergie annuelle s’élève à 50 000 euros, dont 35 000 d’électricité (GEG) et 15 000 euros de chauffage (La Compagnie de Chauffage). Le contrat avec GEG garantit des tarifs bloqués jusqu’en août 2023. Au-delà, c’est l’incertitude : « Nos fournisseurs ne savent pas nous dire comment ça va évoluer, on est très inquiets. Pour 2023, on a provisionné une augmentation globale de 50% de ces dépenses dans notre budget. C’est une prévision au doigt mouillé qui correspond au maximum qu’on est capable d’amortir, mais j’ai quand même des gros doutes qu’on y arrive », craint le directeur, Fred Lapierre. Inaugurée en 2015, la Belle dispose d’une bonne isolation et d’un système de chauffage et de climatisation programmable à la demi-heure près, elle est munie de fenêtres étanches et équipée de LED peu énergivores. Bref, le contraire d’une passoire. « C’est bien, mais du coup, les marges de progression en termes de consommation sont quasi-inexistantes. »

Au Midi/Minuit, on ferme

Dès lors, que faire ? Augmenter le prix des billets, c’est potentiellement faire fuir les spectateurs qui – rappelons-le – ont le même problème chez eux. Supprimer certaines activités trop dispendieuses, pas assez rentables, c’est certainement rogner sur le soutien à la scène locale ou l’action sociale… Rue Saint-Laurent, le petit théâtre associatif Midi/Minuit a pris une mesure radicale : la fermeture saisonnière. Du 1er au 31 janvier – et éventuellement en février si les températures ne remontent pas – aucun spectacle dans les lieux. « Ce sont d’anciennes caves très humides et très très mal isolées. Quand on chauffe, avec nos deux grille-pain d’une inutilité incroyable, on chauffe la rue ! Déjà qu’on a du mal à payer le loyer qui a augmenté de façon exponentielle l’année dernière… » explique Fanny Fait, co-gérante. Dans le même registre, le coordinateur de la Bobine, Alexandre Lamothe, alerte sur la vétusté énergétique du café-concert sis parc Paul-Mistral : « On est classé au pire niveau en termes d’isolation. À la base, c’était un bowling conçu dans les années 60. Les travaux de réhabilitation entre 2008 et 2010 n’ont pas réglé ce problème. Cependant, nous on ne s’affole pas pour l’instant, on bénéficie de tarifs régulés avec GEG jusqu’en août 2024. » D’ici là, que d’incertitudes… 

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