Essentiels arcs-en-ciel

Danse / Côte à côte en devant de scène, Jeremy Wade et une danseuse émettent quelques sons aigus, tressautent, sont pris de petites convulsions... On dirait deux enfants ou deux schizophrènes reniflant l'espace, cherchant autour d'eux quelque chose que l'on ne voit pas et qu'eux-mêmes semblent bien en peine de trouver. Puis, les respirations se font plus fortes, les gestes s'amplifient, la musique jouée live devient percutante, voire tribale. On assiste alors à une séquence d'exultation où les bras partent comme des flèches en tous sens, où tout se désarticule, où les bouchent délirent jusqu'à d'étranges exhortations... Hystérie ou catalepsie, enfance ou folie, silence ou capharnaüm, reptations ou sauts jubilatoires, larmes du ciel ou iris de la joie, grimaces ou fermeture sur soi : c'est peu dire que la nouvelle pièce de Jeremy Wade se présente comme un ovni chorégraphique ! Pourtant, c'est bien sur terre qu'elle se déroule et des hommes dont elle parle. «Cette création explore la figure du grotesque» confie le chorégraphe «et s'inspire de comportements sociaux (dans le métro, l'espace urbain...) extraits de leur contexte. Ces comportements triviaux amplifiés confinent au grotesque. Elle joue aussi avec l'idée essentielle dans mon travail d'extase et avec l'instabilité inhérente aux comportements humains». Throwing Rainbows Up, soit littéralement «vomir les arcs-en-ciel», est donc la non-histoire de deux personnages (tout à la fois deux enfants, deux idiots, deux drogués, deux individus lambda, etc.) qui vomissent ou jettent hors d'eux-mêmes tout un tremblement fébrile, tout un spectre de sensations et de gestes. Deux corps à la recherche l'un de l'autre, mais aussi et surtout d'un je ne sais quoi qui relève du désir, du plaisir ou de l'extase, à travers l'assujettissement social des conduites et la discipline politique des postures. Zigzaguant entre les deux pôles de la plus grande bêtise et de la fulgurance extatique, Jeremy Wade renouvelle la figure de l'idiot, personnage toujours efficace lorsqu'on veut exprimer à la dois les forces qui nous oppriment et les résistances ou les quêtes qui s'y opposent. Aucune dialectique là-dedans, mais une grande bouffée échevelée de gestes improvisés et de tentatives réussies ou non, une variation continue de sensations multicolores, avec en arrière-fond cette idée foucaldienne de donner au corps la force de rompre les règles dans l'acte même qui les fait jouer.JEDJeremy Wade «Throwing Rainbows Up»Aux Subsistances du 3 au 6 avril.

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