Danse / «Mon inspiration vient des drogues et des night-clubs. Je travaille sur l’absolue tension émotionnelle, sur l’abus de corps, la saturation d’un corps schizo», déclarait le chorégraphe-performeur américain Jeremy Wade, installé à Berlin. Et sa danse viscérale relève en effet beaucoup plus de la fulgurance, du jaillissement et du tremblement de tout le corps, que du mouvement construit et cohérent. Récemment aux Subsistances, on a pu le voir, accompagné d'une danseuse, «vomir des arcs-en-ciel» ("Throwing Rainbows up", 2008) : s'inspirant de comportements sociaux observés dans la rue ou le métro, des figures de l'idiot ou de l'enfant naïf, Jeremy Wade poussait ces éléments jusqu'au grotesque, au délire gestuel, à la convulsion... Le chorégraphe titille ainsi dans ses pièces les limites du corps, poussant ses gestes jusqu'à l'informe, à la défiguration, au chaos. Répondant à une commande de la Japan Society de New York, il s'est plongé pour sa nouvelle création dans l'univers du manga, retrouvant dans le «kawaï» (mignon) bien des aspects grotesques, infantiles, utopiques. «L'univers du kawaï fait parfaitement écho à l'un des principaux thèmes de mon travail, la juxtaposition de divers idéaux et comportements esthétiques pour illustrer à quel point les opposés sont en réalité proches, pour brouiller les frontières entre beauté et dégoût, innocence et violence, rire et pleurs». Au-delà du manga, «There is no end to more» joue sur le «pousse à jouir» de nos sociétés contemporaines, invitant ses managers et ses consommateurs à outrepasser sans cesse leurs limites, à accélérer leurs rythmes, à aller vers toujours plus de... vide. Entre trois murs-écrans, le danseur Jared Gradinger incarnera une sorte de présentateur de show télévisé déjanté. Un show mis en abîme, saturé, et composé pour l'occasion des textes de Marcos Rosales, des projections de dessins de l'illustrateur japonais Hiroki Otsuka et de la musique de Brendan Dougherty. Un show qui s'annonce encore une fois excessif et intense.
Jean-Emmanuel Denave«
There si no end to more » de Jeremy Wade
Aux Subsistances, du 5 au 10 février.